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Panique à la Taverne du Chat qui miaule !

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Astyanax le Gris
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Astyanax le Gris Jeu 2 Fév - 14:23
Astyanax le Gris
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L'Errant Gris est heureux de voir la jeune femme reprendre peu à peu vie, tandis qu'ils cheminent en direction de la sylve sous l'éclat apaisant de la lune. Même s'il n'en montre rien, lui aussi est soulagé de quitter cette bourgade, de ne plus avoir à subir l'hostilité latente des humains et de faire semblant, toujours, de ne rien entendre de leurs messes basses trop souvent déplaisantes.

Les seuls bruits de leurs pas, de leurs souffles qui se mêlent au bourrasques du vent âpre, annonceur d'hiver, dans les feuillages. La course d'un lièvre qui détale, le bruissement des ailes d'un rapace haut dans les cieux radieux d'étoiles, le grognement caractéristique d'un sanglier qui fouit le sol à la recherche de nourriture, mille sons occupent l'attention de l'Elfe jusqu'à l'instant où Aliénor lui déclare qu'il va bientôt neiger. A sa question, le guerrier hume l'air d'un air quelque peu dubitatif durant quelques secondes avant de reconnaître :

"Je ne sens pas grand chose. La forêt, peut-être un peu, mais rien de plus."

Puis, alors que le vent se fait soudain plus virulent, la jeune femme le remercie avec un grand sourire pour ce qu'il a fait pour elle, avant de souhaiter pouvoir, un jour, lui offrir à son tour quelque chose. L'Elfe sourit doucement et répond :

"Vous m'offrez déjà quelque chose de rare et précieux, Dame, en marchant à mes côtés sans me considérer comme un mal nécessaire ou, pire, une bête maligne et nuisible."

La forêt se dresse alors devant eux, telle une mer d'ombre sans fin, impénétrable en apparence et, comme le remarque à juste titre Aliénor, redoutée des humains. La créature qui rôde dans la région, s'il faut en croire les rumeurs entendue dans l'estaminet où il a rencontré la jeune femme, n'est sans doute pas étrangère à la crainte des hommes, mais l'Elfe sait que les humains trouvent toujours une bonne raison de craindre la nature lorsqu'elle n'est pas domptée, purgée de tout ce qui pourrait les menacer. Pourtant, tandis qu'une chouette hulule non loin, sa nouvelle amie déclare l'aimer, avec ses arbres majestueux, ses odeurs et ses bruits, avant de lui demander ce que lui-même en pense. Avant qu'il puisse répondre, elle l'interroge aussi sur les légendaires forêts et demeures  des Elfes, tout en cherchant pour une fois son regard, qu'il rive alors pensivement dans les prunelles marron de la jeune femme :

"La terre est toujours d'une beauté à couper le souffle, mais les villageois n'ont pas complètement tort de craindre la nature sauvage : les dangers y sont bien réels, cette "créature" n'est de loin pas la seule menace pour qui s'aventure loin des villes et villages."

Il sourit tranquillement avant d'ajouter :

"La peur est une bonne conseillère, pour autant que nous ne la laissions pas nous diriger. Quant aux légendaires forêts Elfiques que vous évoquez, je n'en sais pas plus que vous. J'ai entendu des histoires, mais jamais je n'ai rencontré quelqu'un les ayant vues de ses yeux. Mon peuple..."


Le Gris marque une légère hésitation à cette évocation, comme s'il cherchait les mots justes pour parler des siens, à moins qu'il se demande si cela a la moindre chance d'intéresser la jeune femme. Au bout de quelques courts instants, il reprend pourtant :

"Pour les Humains, tout ce qui a des oreilles en pointe est un "Elfe". Mais ce terme englobe des peuples très différents, et dans ma langue il ne signifie rien. Le nom que nous nous donnons est "Athël-Ithri", ce qui pourrait se traduire littéralement par : "Enfants des Vents". Ma terre d'origine est une gigantesque chaîne de hautes montagnes, les arbres y sont rares et nos demeures sont surtout faites de pierre. C'est un pays âpre et dur, où le froid et les vents règnent en maîtres. Il n'y existe pas de villes, la terre n'est pas assez fertile pour nourrir de grandes populations, aussi vivons-nous au sein de clans qui comptent rarement plus d'une centaine de personnes. Chaque clan a sa spécialité, un rôle pourrait-on dire, même si tous vivent principalement de l'élevage des "taëdils", des sortes de grosses chèvres au poil long qui nous fournissent lait, viande et laine."

Il arrête là les explications concernant son peuple, pour inciter son cheval à prendre les devants d'un claquement de langue avant de préciser à l'attention de son amie en désignant le sous-bois du menton :

"Je ne vois rien dans cette obscurité, mais l'instinct de Ly-ël va nous conduire sans faillir jusqu'à la source."


Alors que l'animal s'enfonce prudemment dans le bois, le Gris se décide à interroger à son tour l'humaine :

"Parlez-moi un peu de vous, voulez-vous ? Vous n'êtes pas née dans le ruisseau, selon toute apparence, comment vous êtes-vous retrouvée dans cette situation ?"
Aliénor Parker
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Aliénor Parker Jeu 2 Fév - 18:24
Aliénor Parker
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Le nez enfoui dans son châle, elle songe que le cadeau dont il parle, il le lui offre également. Marcher à ses côtés sans la considérer comme une abomination…une tare…un mal nécessaire. L’humaine comprend très bien ce qu’évoque l’Elfe : la peur, la haine de tout ce qui est différent, la réponse souvent violente qu’apportent les Hommes face à l’inconnu…l’effrayant inconnu. Elle a eu peur de lui, à peu près une seconde et demi, lorsqu’elle l’a vu dans la taverne, lorsqu’elle lui a apporté à manger. Et pourtant, il lui a suffi de le regarder, de voir ses manières, la façon polie de s’exprimer, la manière de tenir un verre de vin…Les rustres et les sans-cœur n’agissent pas comme lui. Les monstres non plus. Et des sans-cœur, des monstres, Aliénor en a vu assez pour savoir que celui qui se tient là, juste près d’elle, n’en est pas un.

Lorsqu’il évoque les dangers, la créature, les craintes des villageois, la jeune humaine préfère lever le nez vers la canopée où se mélangent les épines de sapin d’un vert vibrant au marron doré des feuilles de chêne. Un sourire lui échappe, timide.

-J’ai moins peur de ce qui rôde dans la forêt que de ce qui se trouve en deçà des remparts du village, énonce-t-elle doctement, avançant à la suite du cheval comme s’il s’agissait d’une formalité, d’une randonnée sans le moindre petit risque.

Les percées offertes par les feuillus dégarnis ici et là laissent passer la froide lumière de la lune et des étoiles, une lueur blanche qui éclaire les reliefs d’un sentier peu emprunté mais suffisamment balisé pour en percevoir facilement les contours. Aliénor tâche d’ajuster son pas à celui de l’Elfe, en essayant de ne pas esquinter ce qu’il reste de ses bottes, tout en l’écoutant. Elle avait entendu d’autres hommes dans les tavernes, y compris à la taverne du chat noir, cela amusait toujours les gens de savoir qu’une femme prenait du plaisir à écouter des légendes sur ces monstres aux oreilles pointues. Souvent on la retrouvait accoudée quelque part, dans un coin, sur une chaise, l’œil brillant, percevant ici et là les splendeurs narrées sous l’effet de l’alcool. Les cités d’argent…Les forêts de lumière…les royaumes oubliés aux créatures fantastiques…

De toutes les histoires, c’est celle de la forêt enchantée, où l’eau murmure en une langue oubliée de tous sauf de ceux qui y résident, qui a sa préférence.

-Partout où je suis passée, quand il venait quelqu’un, un conteur, un trouvère, j’écoutais…Je m’imaginais ces endroits comme des mondes merveilleux, remplis de sages centenaires, des créatures si belles qu’on pourrait en pleurer de bonheur, murmure-t-elle en frôlant une haute fougère du bout des doigts, pensive. Quand je m’endormais, dans les étables, contre le ventre des vaches, je m’imaginais allongée sur une couche de sphaigne dans un lit de chêne perché si haut que je pouvais tutoyer les étoiles…

Dans la demi-clarté du sous-bois, il lui est difficile de distinguer les traits d’Astyanax mais elle se tourne pourtant vers lui, l’œil brillant.

-Athël-Ithri…Votre parler…c’est comme de la soie à mes oreilles. Alors…les…heu…les taëdils…ça ressemble un peu aux bouzons…De grosses chèvres, pas très jolies, avec de longs poils marrons qu’on trouve dans les montagnes…Je crois que c’est ça…On les appelle les bouzons, dit-elle en réfléchissant, un index à la propreté approximative posé sur ses lèvres. Alors, votre clan, votre famille à vous, quelle est sa spécialité ?

Elle suit toujours le cheval qui vient de s’arrêter, en tourant sa tête vers la droite. La jeune femme écoute, puis sourit largement.

-Vous entendez ?, dit-elle en murmurant.

Le doux ruissellement, faible et ténu, d’un ru glissant entre de grosses pierres se fait entendre.

-Nous ne devons plus être très loin !, dit-elle alors que le cheval se remet en route.

Bien sûr, elle savait que le moment viendrait de devoir parler d’elle, l’on ne se lie pas de la sorte à une inconnue sans au moins savoir le strict minimum. Une émotion l’étreint, à l’idée de tout dire…un hululement, plus proche, la sort de sa torpeur et l’incite enfin à parler, tout en marchant prudemment sur le sentier afin d’éviter les écueils.

-Vous…Vous avez raison. Je ne suis pas née dans un ruisseau, avant j’avais une maison, une chambre et un lit. Des habits propres. A manger tous les jours…Des circonstances indépendantes de ma volonté m’ont forcée à quitter cette…maison.

Elle serre son châle contre elle, s’assure que son sac est toujours bien suspendu à son épaule, tout en essayant de garder le contrôle de sa voix. La marchande l’a repérée…Elle ignore comment Astyanax réagira. Ils ne réagissent jamais bien, quand ils savent. Personne. Alors, elle se contente de dire peu. Pour l’instant.

-Je viens de l’Ouest, les grandes plaines sauvages du pays d’Ivamel. Il y a peu de forêts là-bas…et l’horizon est toujours le même, partagé entre le bleu du ciel et le vert tendre de l’herbe grasse…Notre maison était jolie, au flan d’une petite colline…Il y avait des fleurs, des lapins, un joli puits ceinturé de lierre…

Un silence. Garder le contrôle.

-J’ai vingt ans, et je n’ai plus de famille. Ils sont tous morts là bas, mes parents, mon frère, mes deux sœurs, dit-elle tout bas. Alors je suis partie. C’était…Il y a trois ans de cela, je crois, je n’ai plus le compte exact…

Le bruit de l’eau se fait plus prononcé. Aliénor cesse alors sa progression et se tourne en souriant vers l’Elfe. Elle tente visiblement de dissimuler l’émotion qu’a provoqué l’évocation de sa famille disparue.

-L’eau coule plus rapidement ici…Votre cachette…est-elle tout près ? Il…

La jeune humaine s’interrompt encore. Elle lève le nez vers la canopée.

-Il n’y a plus de bruits…Vous entendez ?

La nature semble s’être tue, comme si tous les animaux avaient décidé de fuir. Ou de se cacher tout en se taisant, effrayés. Aliénor déglutit.

-Astyanax…
Le Désespoir des Ombres
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Le Désespoir des Ombres Ven 3 Fév - 8:16
Le Désespoir des Ombres
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Ses ailes s’ouvrent, inaudibles pour la plupart des créatures, elles chuchotent à la cime des arbres la mélodie des prédateurs nocturnes. Silencieux est le monstre alors que sa proie quitte la sécurité de sa position. La chouette hulule alors qu'elle reprend sa route, inconsciente de l'ombre qui la suit.

Le pas lent et assuré, le prédateur se remet en mouvement, ignorant du reste du monde les heurts et les espoirs, il n’a d’attention que pour la cible de sa convoitise. Délicate et discrète, la créature qui a éveillé son appétit est mensongère. Sa délicatesse n’est que tromperie et sa discrétion dissimule ses véritables intentions. La beauté de son plumage n’égale que la férocité de ses serres. La proie est loin d’être sans défense, en réalité, elle est elle-même prédatrice.

Rares sont les créatures qui se nourrissent de prédateurs. Le monstre fait partie de ces quelques uns, hissé malgré lui, en haut d’une chaîne alimentaire dont on ignore encore les premiers maillons. Voilà plusieurs nuits qu'il suit sa proie, trop prudente pour se laisser surprendre. Plusieurs jours à guetter et attendre, la patience est une vertue mais il est des forces supérieures qui finissent toujours par l'emporter. La mort a une amie de longue date, la faim. Elle tient entre ses mains l'estomac vide du monstre, griffant dans ses organes, l'appel impérieux d'un besoin vital.

La traque devait finir cette nuit. Le moment était venu. Mais ce fut aussi cette nuit que la proie décida de changer ses habitudes et de prendre ses distances avec le bourg autour duquel tournait son quotidien. Un imprévu qui devait se transformer en opportunité. Le rapace était distrait, agité parfois, soudainement peu attentif à son environnement. Mais lorsque le monstre décidait de se saisir de cette opportunité une nouvelle odeur lui parvenait. Entêtante, exotique et terriblement appétissante. Proche.

L'odorat de la bête était fin, précis mais aussi très sélectif, ce qui éveillait sa curiosité était aussi rare que particulier.
Étourdi par le parfum délicieux, le monstre manquait son opportunité. Il y en aurait d'autres.. mais sa proie n'était pas aisée à atteindre. Et cette odeur irrésistible n'était qu'à quelques dizaines de mètres.. Le monstre fit un écart, déviant de sa trajectoire sans vraiment la changer car, étonnement, l'odeur délicieuse suivait une ligne quasiment parallèle à celle de sa proie.

Il ne lui fallut que quelques secondes pour que le monstre découvre les contours de cette créature alléchante. Tapis dans l'ombre, le prédateur se léchait les babines en observant les deux bipèdes et leur cheval, traverser innocemment les voiles obscures de la forêt. Lequel des deux avait cette odeur ? Lequel serait son dîner ? Le monstre avait faim et les bipèdes faisaient souvent des proies faciles. Il pourrait dévorer les deux. L'idée de planter ses crocs dans la chaire juteuse excite la créature cauchemardesque, l'odeur du sang fait chavirer son intellect un bref instant avant que la culpabilité ne l'assaille, lui rappelant trop brièvement qui elle était.

La forêt s'est tue. Le monstre a reprit conscience au moment où les grands yeux d'une chouette se sont posées sur lui. Les deux créatures s'observent. Le monstre sait qu'il a définitivement perdu l'opportunité d'attaquer par surprise mais il comprend aussi que sa proie ne le laissera pas s'en prendre à ces alléchants bipèdes.. La raison lui échappe mais l'inéluctable est déjà inscrit et la forêt toute entière connaît ce refrain.

Le monstre recule, un pied après l'autre, une main après l'autre, l'ombre l'accueil comme une amie, pose sur ses épaules un manteau opaque. Il disparaît. La forêt frémit doucement puis le mouvement reprend, les brindilles craquent, les sangliers reniflent bruyamment, une chauve-souris attrape un lépidoptère né la veille, la mort frappe dans l'indifférence et la vie nocturne reprend.

Jusqu'à ce qu'un couinement aigu déchire la nuit, suivi d'un brouhaha brutal mêlant froissements d'ailes et fracas de branches. Le silence retombe, aussi lourd que total, avant de se rompre à nouveau. Le grognement sourd et profond fait vibrer l'écorce, il ne ressemble à celui d'un animal qu'en surface mais il délivre le même message. La mort se penche sur la forêt, spectatrice avertie et exigeante. On lui a promis une scène sanglante.

Le monstre fait face à sa proie, désormais au sol mais pourtant moins vulnérable. La chouette a laissé place à sa véritable nature, plus impérieuse et impressionnante que celle de son prédateur. La bête n'était pas effrayée, ni surprise, l'odeur de sa proie ne l'avait jamais trompé sur sa nature. Les deux monstres étaient blessés, l'aile droite de ce qui fut une chouette traînait un peu trop mollement derrière elle et la Bête avait sur sa cuisse deux longues et larges entailles d'où s'écoulait le précieux liquide vermillon, mais aucun ne reculerait. La faim enchaînait le premier, la loyauté habitait le second. Tous deux savaient qu'il n'y avait qu'une échappatoire.

Astyanax le Gris
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Astyanax le Gris Dim 5 Fév - 15:01
Astyanax le Gris
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L'Elfe ne peut qu'approuver d'un petit hochement de tête, lorsque la jeune femme affirme qu'il y a plus à craindre des humains que des dangers de la forêt, tant il est vrai que l'intolérance envers tout ce qui est différent s'est accrue ces dernières années. Mais si Aliénor semble presque totalement insouciante quant aux risques encourus en s'enfonçant dans les bois profonds, le Gris, lui, reste vigilant. S'il n'y voit guère dans l'obscurité qui règne sous la canopée, s'il ne sent pas l'odeur des châtaignes, rares sont les sons qui lui échappent, à commencer par les paroles de la jeune femme qui, aussi intéressantes qu'elles soient, pourraient fort bien couvrir l'annonce d'un péril. Alors il garde un oeil sur Ly-ël, sachant que l'instinct de l'animal est plus affûté que le sien, tout en écoutant attentivement les réponses de sa mystérieuse amie. Lorsque elle l'interroge sur son ancien clan, l'Athël-Ithri rétorque d'un ton subtilement empli de nostalgie :

"J'appartenais au Clan d'Aïwen, le clan du métal-étoile, que vous appelez fer. Notre rôle était de protéger nos terres et notre peuple, par les armes lorsqu'il le fallait, mais aussi et surtout en tant que médiateurs et juges lorsqu'il y avait des conflits internes."

Soudain, la jeune femme remarque qu'elle perçoit le doux son du ruisseau qui serpente non loin, manière peut-être de retarder encore un peu le moment de parler d'elle ? Quoi qu'il en soit, elle finit par aborder le sujet, hésitante, envahie de puissantes émotions selon ce que le Gris croit discerner dans le ton de sa voix. Ainsi il ne s'est pas trompé en supposant qu'elle n'est pas née pauvre, elle a bel et bien eu une autre vie, plus douce d'après le peu qu'elle en dit. Jusqu'à ce que le destin frappe et qu'elle perde tout : famille, demeure, sécurité... Elle ne précise pourtant pas ce qui est arrivé et le guerrier, qui ne peut qu'imaginer combien le sujet doit être sensible, douloureux, préfère ne pas l'interroger plus avant pour l'instant, d'autant plus que l'Humaine remarque soudain que le bruit de l'eau s'est fait plus présent, puis, une seconde plus tard, que c'est désormais le seul son qui trouble le silence épais, bien trop absolu, de la sylve.

Mais le Gris n'a pas attendu que sa compagne de voyage s'inquiète et, quand la jeune femme murmure son nom d'une voix anxieuse, il est déjà en train de s'équiper de son bouclier, récupéré sur le dos de son cheval avec une efficacité que seule une longue habitude peut expliquer. L'Elfe pose brièvement un doigt en travers de ses lèvres pour demander à la jeune femme d'éviter de faire du bruit, tandis que ses longues oreilles semblent se tendre, plus mobiles que jamais, vers les ombres du bois. Alors que sa dextre glisse calmement jusqu'à la poignée de son antique lame, l'Elfe se penche vers la jeune femme pour lui souffler :

"Il y a quelque chose tout près. Collez à mes pas, et restez sur ma gauche, juste derrière moi."

Car à droite, il y a la longue lame qui jaillit de son fourreau avec un sinistre chuintement, antique sans doute mais semblant néanmoins assez acérée pour couper un cheveu en deux dans le sens de la longueur. Pendant quelques interminables secondes, le silence règne en maître, et l'Elfe semble s'être statufié, les yeux mi-clos, tandis qu'il cherche à percevoir d'où viendra la menace. Elle est toute proche, il le sait, même si la créature est discrète elle ne peut éviter de froisser, ici et là, les innombrables brindilles qui jonchent le sol. Quoique son visage reste de marbre, le Gris n'est pas vraiment tranquille : il a un doute sur le fait que la créature soit seule, mais les bruits perçus, qui pourraient indiquer la présence d'une autre bête, sont trop ténus pour qu'il puisse en identifier la source. Seul, il ne craindrait guère la confrontation, mais si les prédateurs sont plusieurs, protéger la jeune femme et son cheval pourrait s'avérer délicat, voire impossible si les "monstres" sont dotés d'une solide intelligence.

Soudain le silence vole en éclats, un hurlement strident fend la nuit, suivi tout aussitôt du brouhaha d'une lutte acharnée. Branches brisées et frou-frou caractéristique de plumes, un son incongru que l'Elfe ne s'attendait nullement à entendre en pareilles circonstances. Une simple lutte entre animaux de la forêt ? Le Gris n'y croit pas, la nature ne se tait pas aussi totalement quand un oiseau s'écharpe avec un renard ou un loup, et jamais ces derniers ne se seraient autant approchés de bipèdes, pas à cette saison du moins. Puis, tout aussi soudain, un grondement sourd, puissant, résonne, beaucoup trop proche pour la tranquillité d'esprit du Gris. Alors il fait signe à la jeune femme de le suivre et, s'assurant qu'elle lui emboîte bel et bien le pas, il s'enfonce dans la forêt en direction du combat, sans se soucier d'être entendu. Quoi que ce soit, il préfère y faire face maintenant plutôt que d'attendre que cela lui tombe dessus plus tard, à un moment où ils auront relâché leur garde.
Aliénor Parker
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Aliénor Parker Lun 6 Fév - 8:40
Aliénor Parker
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« Il y a quelque chose tout près »

Aliénor pâlit mais elle ne répond rien, elle se contente d’obéir, gardant une distance d’un pas, puis d’un deuxième et enfin d’un troisième alors que l’Elfe sort l’arme du fourreau et qu’il progresse non loin de son cheval. Astyanax réagit comme n’importe quel autre chevalier à sa place, en cœur brave qui n’a pas peur du danger.

Et pourtant le danger est là. Bien là.

La jeune femme serre sa main bandée sur la lanière de son sac, vivant une intense angoisse doublée d’une furieuse envie de…de quoi… ?

Elle devrait s’enfuir.

Fuir loin.

Il ne lui ferait pas de mal, de cette façon. Il serait sauf, il serait libre, il serait…

C’est alors qu’une douleur fulgurante lui lacère le bras droit. Sous le châle, sous la chemise sale, une coulisse vermeille transpire sur le tissu autrefois blanc. Une odeur de métal, une odeur lourde de sang, emplit l’air et Aliénor tombe à genoux au sol, en serrant son bras de sa main bandée, les mâchoires serrées retenant un hurlement de douleur. La monture de l’Elfe hennit alors si fort qu’Aliénor en tremble. Le souffle coupé, la poitrine en feu, elle regarde le sol, avant de lever les yeux vers Astyanax.

Deux orbes d’un bleu irréel, totalement surnaturels, le fixent intensément, alors que la tête d’Aliénor se penche soudainement en un angle typiquement rapace. Cela ne dure qu’un instant, déjà la jeune femme a baissé la tête, cherchant à retrouver son souffle.

Le temps des secrets est révolu…



*°*°*°*
*°*°*
*


Peur.
Angoisse.
D’autres sentiments confus qu’il ne connait pas.
Qu’il ne reconnait pas.

En sa nature sans âge, la confusion n’a plus cours. La voix des siècles, la voix du monde, tout cela se tait, vaincu par la seule et timide vocalie de l’être auquel il est lié.

Il entend ses pensées.

Il perçoit les agitations de son cœur.

Il partage ce qu’elle ressent et depuis des heures, il lui semble que la voix de l’humaine se perd en un chant étrange aux notes nouvelles.

Etait-ce cela qu’elle appelle « bonheur » ? Etait-ce donc cela, la joie ? Cette sensation dont elle lui parlait parfois à la vue d’une dame bien habillée ? Ou d’une de ces tourtes à la viande qui refroidissait dans l’étal d’un boucher ?

Alors, c’est cette créature qu’elle voit là, avec une épée à la main, qui lui inspire ça ?

Il n’a pas le temps d’entrer plus loin dans un schéma de pensée complexe.

Elle a mal. A cause de lui. A cause du Chasseur.

Un cri guttural, primal, vient de s’échapper de la gorge couverte d’un mélange de poils et de plumes marron alors que son grand corps vient de subir une attaque honteuse : son aile droite est touchée. Sur ses longues griffes gauches, incurvées, acérées, la trace carmine d’une réplique, la preuve que le Chasseur est lui aussi blessé.

Il ne peut pas le laisser s’en prendre à l’Humaine. Il a promis, autrefois.

Dans un grand bruissement d’ailes tendues d’une peau grise, la créature s’élève et fonce vers le Chasseur, les pattes arrières dévoilant des serres aux griffes meurtrières.

La lutte pour la survie commence.

La survie de l’Humaine.





*°*°*°*
*°*°*
*


Au sol, alors que non loin de là, le combat fait rage, Aliénor retrouve un semblant de souffle et se redresse, les genoux s’entrechoquant visiblement sous le mauvais tissu de sa vieille robe.

-Astyanax…Le monstre qui nous poursuit a Faim.

Elle fait un pas vers lui, la main bandée toujours posée sur son bras blessé, livide.

-Ne faites…Ne faites pas de mal à Morwënn…Il est blessé…Il nous protège…, souffle-t-elle. Promettez…, ajoute-t-elle, au supplice, alors qu’un cri simultané s’élève de part et d’autre, issu de concert depuis la gorge de la chimère et d’Aliénor qui vient de se plier en deux.

Le Chasseur vient d’asséner un coup violent à Morwënn qui est au sol, peinant à se relever dans l’encombrement de ses immenses ailes, claquant du bec en une menace plus qu’éloquente…
Le Désespoir des Ombres
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Le Désespoir des Ombres Lun 6 Fév - 11:41
Le Désespoir des Ombres
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Il les sent plus encore qu’il ne les entend, les bipèdes arrivent. L’odeur du métal scintillant s’insinue dans ses narines comme un avertissement, l’un est armé. Le monstre connaît la morsure de l’acier, elle a déjà marqué sa chair, il sait aussi que tous ne le manipule pas aussi habilement qu’il ne maîtrise ses griffes mais, il se sait désormais en désavantageuse position. Des proies faciles auraient pris la fuite, celles-ci venaient au devant du danger, apparemment prêtes à se défendre. Peut-être qu’une fois de plus, la proie était elle-aussi prédatrice. Le monstre devrait fuir, un replis stratégique était l’option la plus sage pourtant, le monstre ne bougeait pas. Ses prunelles orangées restaient irrémédiablement plantées sur son adversaire. La fuite n’était plus envisageable, blessé et affamé, le monstre ne survivrait pas à la nuit s’il décidait d’abandonner son repas. Le parfum de son propre sang se mêlait aux fragrances délicieuses de celui de ses proies, enhardissant sa détermination.

Sa silhouette se rétracte, s’abaisse au niveau du sol alors que le rapace dévoile son envergure, le monstre se fait plus petit. Drapée d’ombres, sa silhouette est indécise, son corps semble en grande partie recouvert d’une épaisse fourrure sombre mais le bas de ses membres laissent place à plusieurs rangées d’écailles avant de former des appendices griffus. Une masse plus importante couvre le haut de son crâne, une crinière ébouriffée qui encadre un museau court, renfrogné, dévoilant une dentition saillante. La Bête semble comme sortie d’un cauchemar enfantin, mélangeant pêle mêle toutes les créatures effrayantes des contes, s’il devait y avoir un monstre caché sous les lits, ce serait celui-ci.

Mais le monstre n’est pas une histoire qu’on raconte aux enfants pour les mettre en garde, lorsque son corps se tend en avant, propulsé par une puissance surnaturelle, lorsqu’il percute de plein fouet la créature ailée, manquant de peu de l’éviscérer, le monstre n’a rien d’un simple avertissement. La chouette est au sol, piégée par ses propres ailes, la Bête envisage un bref instant de se saisir d’une de ses pattes pour la traîner ailleurs, plus profondément dans la forêt mais, la créature est encore trop vivace et un coup de patte pourrait facilement éborgner le monstre. La Bête n’a cependant pas le temps de faire des plans, les bipèdes se sont arrêtés momentanément mais ils pourraient arriver en un instant. Elle tourne précautionneusement autour de la créature blessée et dès qu’elle repère une ouverture, elle plonge.

Comme un chat bondit sur une mésange tombée du nid, le monstre fond sur sa proie et enfonce ses crocs dans le bas de son dos, là où ses coups de pattes et de bec ne devraient pas pouvoir l’atteindre. Les canines acérées s’enfoncent avec facilité dans la chair, drainant immédiatement le précieux élixir rubis jusqu’à la gorge assoiffée de la Bête. Elle pose ses deux pattes avant sur la chouette métamorphosée, appuyant avec une force prodigieuse pour la maintenir au sol, des pattes étranges, fines et semblables à des bras humains, s’il n’y avait pas ses écailles et si ces doigts ne se finissaient pas en griffes.

Astyanax le Gris
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Astyanax le Gris Lun 6 Fév - 16:37
Astyanax le Gris
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La peur. Elle referme ses griffes sur l'Errant, pernicieuse, s'insinuant en son esprit, en chacun de ses muscles afin de les tétaniser. Il sent une goutte du sueur glacée couler le long de son dos contracté, les battements de son coeur qui s'affolent, la dangereuse moiteur qui rend plus précaire l'emprise de sa dextre sur le cuir usé qui recouvre la soie de son épée. Les créatures qui luttent à mort devant lui n'ont rien d'humain, ou d'elfique, rien non plus d'animaux connus. Le peu qu'il en distingue suffit : ces bêtes là ont tout des engeances de cauchemar que l'imagination toujours fertile des hommes se complaît à imaginer, pour se faire peur alors que la nuit étend son voile sur le monde.

Les lèvres de l'Athël-Ithri se retroussent en un sourire, qui n'a rien en commun avec les précédents. Celui-ci est dur, froid et résolu : la peur ne fera pas reculer le Gris, c'est une vieille amie avec laquelle il a appris à composer voilà bien longtemps déjà. Alors ses doigts enserrent plus fermement encore la poignée de l'épée, se calant dans les inégalités du cuir pour mieux assurer sa prise, et il avance vers son destin. Un pas, puis un autre, calmes, stables, l'Elfe n'est pas de ces va-t-en guerre qui se précipitent à l'assaut comme des buffles enragés. Cette lucidité calculatrice qu'il parvient à conserver même dans les instants les plus critiques lui a été inculquée dès son plus jeune âge, durement, impitoyablement, et le Gris est convaincu que c'est en cela que réside sa meilleure chance de survie.

Seulement, le destin est chose capricieuse, il n'a pas fait dix mètres lorsque, soudain, il entend Aliénor chuter derrière lui. Presque au même instant, le hennissement terrifié de sa monture lui vrille rudement les tympans, et fait monter en lui une bouffée d'angoisse : une autre créature est-elle en train de les prendre à revers ? Sa prudence et son ouïe perçante ont-elles été prises en défaut ? Mais lorsqu'il se retourne pour découvrir ce qu'il en est, le Gris en a la chair de poule : le regard d'Aliénor, agenouillée au sol, n'a plus rien d'humain. Le bleu intense de ses prunelles, l'Elfe n'en a jamais vu de semblable ; même la posture de la jeune femme, de sa tête du moins, n'a plus rien d'humain.

"Que..."

Il est interrompu par le fracas provoqué par les deux bêtes, qui viennent de reprendre leur lutte acharnée après une courte pause. Le Gris ne saisit pas ce qui se passe là : est-il tombé dans un traquenard orchestré par...par qui au juste ? La jeune femme qui n'a cessé de s'entourer de mystères depuis leur rencontre ? Le "monstre" ? Mais lequel est le monstre, dans l'histoire, alors que les trois êtres alentours pourraient tous correspondre à cette définition, du moins selon les critères des hommes ? Si brève que soit la réflexion du Gris, elle suffit pour qu'Aliénor se relève, malgré ses genoux qui jouent des castagnettes sous sa mauvaise robe, en lui affirmant que le monstre qui les poursuit a Faim, avec un "F" majuscule des plus inquiétants, s'il faut en croire l'intonation de sa voix incertaine. Puis, blafarde, elle fait un pas vers lui, une main posée sur son bras... ensanglanté ?! L'Athël-Ithri a tout juste le temps de s'interroger sur la cause de cette blessure, alors qu'il est absolument certain que rien n'a pu l'atteindre sans qu'il le réalise durant les minutes précédentes, avant que la jeune femme ajoute en un souffle :

"Ne faites…Ne faites pas de mal à Morwënn…Il est blessé…Il nous protège…Promettez…"

"Qui est..."

La jeune femme se plie subitement en deux tout en laissant échapper un cri de souffrance qui se mêle d'incompréhensible manière à celui poussé par l'une des deux créatures, celle avec des ailes selon toute vraisemblance. Cette dernière est fort mal prise, l'autre créature, hirsute et sinistre avec son mufle hargneux, ses crocs avides et ses griffes acérées, a réussi à refermer ses puissantes mâchoires sur le dos vulnérable de l'être ailé, prête à briser les reins de celui qui doit être "Morwënn", d'après le peu que le Gris comprend maintenant de la situation. Le moment étant fort mal choisi pour exiger des explications, Astyanax se borne à rétorquer d'une voix pressante :

"Le sac noir, sur le cheval, il y a un lièvre dedans. Allez le chercher et jetez-le à cette créature. Vite !"

A cet instant, la jeune femme pourra découvrir à quel point les mouvements habituellement presque nonchalants du Gris sont trompeurs : d'un bond explosif, l'Elfe se lance dans la mêlée, et son arme dessine une arabesque foudroyante dans les airs tandis qu'il gronde :

"Assez !"

S'il vise avec une redoutable précision la tête du monstre qui est en train de malmener la créature ailée, il ne cherche nullement à la tuer, ni même à la blesser gravement, il ne cherche qu'à l'étourdir du plat de sa lame afin de séparer les deux combattants. Il ignore si les "monstres" peuvent le comprendre, tout comme il ignore si le lièvre chassé la veille permettra d'apaiser un peu la créature affamée, mais jamais l'Athël-Ithri ne prend une vie avant d'avoir tout tenté pour l'éviter.
Aliénor Parker
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Aliénor Parker Ven 10 Fév - 17:44
Aliénor Parker
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Les paroles d’Astyanax lui parviennent comme si elle était enfermée dans un grand bocal rempli d’eau : étouffées. Elle entend les mots, mais elle ne les écoute déjà plus. La plaie ouverte à son bras lui fait mal. Très mal. Trop mal pour qu’elle puisse être d’un éventuel secours dans l’instant. Pourtant, livide, elle opine lentement de la tête malgré la douleur qui vient de la plier en deux. Le souffle rapide, la tête lourde, elle est mal en point, vraiment très mal en point mais elle avance, un pas après l’autre, vers le cheval qui hennit de plus belle à son approche. L’effort est considérable. Le chemin, interminable…mais il y a dans le sac de l’Elfe quelque chose qui peut peut-être faire diversion sans qu’elle ne doive utiliser les grands moyens.

Un lièvre…

Encore un pas.

Sa botte droite vient de rendre l’âme, malmenée par ce mouvement qui lui fait trainer la jambe sans qu’elle ne manifeste verbalement sa souffrance. Question d’habitude.

Dans la clairière, là où le combat fait rage, Morwën émet un gémissement plaintif, le visage tourné vers l’endroit où se trouve Aliénor qui ferme les yeux, cessant sa progression.

Un lièvre…

La sacoche est là, juste devant, ballottée de gauche à droite par la monture de l’Elfe qui est très agitée. La jeune femme tend la main, de petits doigts tremblants, qui demandent une permission, tandis que ses yeux d’un bleu à l’incroyable pureté accrochent celui du cheval qui hennit plus encore.

- S’il te plaît…, murmure-t-elle.

Un hurlement de douleur, terrifiant, poignant, déchire le voile qui s’est posé sur la forêt. Le cri conjugué de la créature et d’Aliénor qui s’écroule au sol. Deux tâches sombres apparaissent au bas de son dos, tâchant irrémédiablement la robe et le vieux châle qui la couvrent. Hoquetant de peur, elle a un regard pour la haute silhouette qui vient de brandir son arme, l’abattant en guise de semonce sur la bête.

Morwënn claque du bec en espérant attirer l’attention de l’Elfe. Le regard de la chimère est d’un doux noisette, d’une intensité et d’une douceur incroyable. Aliénor, elle, ferme les yeux, en sueur, reprenant la main sur le lien unique qui la lie à la chimère qui regarde encore Astyanax. Cette fois, deux orbes de ce même bleu surnaturel qu’il a pu observer sur sa compagne de route sont vrillés sur lui, tandis qu’un cri étrange sort de sa gorge.

Dans son coin, près du cheval, clouée ventre contre terre au sol comme si elle était également maintenue par la Bête, la jeune femme remue sa main gauche, bandée, crispée, pour dessiner un motif sur le sol, un motif circulaire qu’elle observe, en sueur. L’index dessine quelque chose, un symbole, un cercle rempli de lignes convergeant vers ce qui serait le nord-ouest,  tout en murmurant des propos incompréhensibles.

Au prix d’un effort surhumain, elle enfonce ces petits doigts crispés dans le sol, suivant le cercle, comme si elle tenait une boule en sa main.

-Garde, dit-elle en cette langue étrange tout en tournant la terre qu’elle tient entre ses doigts d’un quart de tour vers la droite.

Au même moment, une vague souterraine en provenance de la jeune femme allongée au sol se dirige vers le trio en un grondement sourd, gagnant en intensité à chaque petite seconde, à chaque centimètre, jusqu’à faire trembler la terre sous les deux combattants.

-Protège, dit-elle encore en un murmure.

Ce qui se glissait furtivement entre les strates du sol explose alors, séparant les deux opposants en une gerbe de terre, de pierres moussues et de brindilles garnies de feuilles mortes. Morwënn est projeté dans un coin, sous un chêne, à bout de souffle, le bec vers le sol et hoquetant à son tour. La Bête, elle, est expulsée de la zone de combat, sous un autre chêne, à trois mètres de là. Quant à Astyanax, il est épargné par cette attaque qui n’a pour cible que les deux créatures.

Aliénor relâche la pression sur le sol, elle ne bouge plus, elle garde ses forces pour respirer.

Si la Bête s’en prend à nouveau à Morwënn, elle n’aura que peu de chances de s’en sortir. De toutes les créatures qu’ils pouvaient rencontrer, il a fallu qu’ils tombent sur l’ennemi mortel de la chimère…
Le Désespoir des Ombres
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Le Désespoir des Ombres Sam 11 Fév - 7:48
Le Désespoir des Ombres
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Une seule gorgée. Ridicule et insuffisante. La Bête ne veut pas s’en contenter, maintenant que ses babines se colorent de vermeil, elle en veut plus. Dans un coin de son cerveau une alarme résonne sans trouver d’écho, elle sent le métal scintillant qui s’approche mais son esprit est submergé par le goût entêtant du sang. Elle aura sans doute sous-estimée ces bipèdes. Les humains n’avaient pourtant pas l’habitude de la défier. Ceux qui avaient eu l’audace de la traquer, avaient toujours pris la fuite lorsque leur chasse se retournait contre eux. Lâches et sans saveur, les humains ne l’intéressaient pas. Non, ce n’était pas tout à fait cela.

L’arc vif et brillant que décrit la lame n’échappe pas aux yeux ambrés mais la Bête est un peu lente à réagir, elle dégage son museau trop tard. Elle devrait être balafrée. Une cicatrice de plus à sa collection. Mais le tranchant ne mord pas cette fois, la claque du plat de la lame surprend le monstre. Le bipède se serait louper ? Dommage pour lui, il serait le prochain. Elle n’avait bu qu’une gorgée, ce n’était pas assez, il lui en fallait plus et il sentait bon.. Aveuglée par la faim, la Bête oublie qu’elle s’est laissé surprendre déjà une fois par la vigueur de l’homme qu’elle prend pour son repas. Elle est moins prudente et l’explosion qui l’envoie valser lui rappelle avec violence qu’elle n’est pas en position de force.

Son corps cogne lourdement contre le tronc qui interrompt sa course, lui arrachant un hoquet de douleur aux sonorités étonnamment humaine. La Bête se redresse pourtant rapidement, la souffrance ne peut pas l’emporter, elle ne fait que renforcer sa détermination. Le monstre se faufile dans les bois, disparaît momentanément, avalé par la nuit.

L’homme irait-il finir le travail en tuant l’autre monstre ? Si c’était un chasseur, il éliminerait sans doute l’une des deux menaces, histoire de n’avoir qu’un seul adversaire.. A moins qu’il choisisse tout à l’inverse de se concentrer sur celui qui était encore en mouvement. La Bête savait qu’elle avait peu de chance de l’emporter, même si le bipède était apparemment maladroit avec son épée.. elle était de plus en plus affaiblie. Le peu de sang ingéré lui avait coûté deux côtes brisées. Elle devait faire un vrai repas..

Le cheval hennit de plus belle lorsque la masse sombre de la Bête se jette sur le corps au sol près de ses sabots. La gueule béante du monstre découvre une rangée de crocs luisants, prête à se refermer sur la gorge de la proie la plus faible. Une fragile humaine, déjà blessée, au corps si menu qu’il semble pouvoir se briser sous les griffes disproportionnées que la Bête à poser sur ses épaules. La mâchoire cauchemardesque plonge en avant. Il ne faudrait qu’un instant pour planter ses canines dans la délicieuse jugulaire, une torsion de plus pour briser cette petite nuque, à moins qu’elle ne la prenne en otage pour arrêter l’homme qui bondissait sur elles. Prendrait-il le risque de perdre sa femelle ? Les humains avaient toujours des réactions différentes quand ils devaient prendre ce genre de décision.. La Bête entend ses pensées traverser si vivement son esprit qu’elle n’y prête pas vraiment attention. Ses crocs à quelques millimètres de la tendre peau, elle s’est arrêtée. Sa salive dégouline sur sa proie.. si vulnérable, si désirable.

Si humaine.


Le temps s’arrête sur le dilemme qui agite les tréfonds d’une âme déchirée, si souvent déchiquetée par les crocs de la Bête qu’elle oublie parfois qu’elle existe encore. Si elle ne mange pas, elle mourra. De faim ou de la main de ce bipède qui est déjà si près. Si elle ne mange pas, son existence prendra fin. La Bête ne se laissera pas mourir. Ce serait contre-nature.

Pourtant. Pourtant, elle est humaine, cette proie. Elle pouvait les attaquer, les faire fuir, les blesser mais, la Bête n’avait jamais dévoré ces fragiles bipèdes.. pas tant qu’ils n’avaient pas révélé leur véritable nature. Pas tant qu’ils ne se transformaient pas en monstre à leur tour.  Son sang à un parfum délicieux. Elle n’est pas humaine. Criait la Bête à sa conscience malmenée.

Pourtant.. elle est si belle. Son visage torturé par la douleur et la peur, son coeur pulsant dans sa délicate jugulaire.. Trop humaine.

Les griffes de la Bête se rétractent alors que le linceul d’une âme damnée s’enroule autour de sa conscience, reprenant le contrôle de ce corps monstrueux. La Bête referme sa gueule sur le vide et se recule. Sa patte arrière gauche traîne un peu au sol, révélant la forme commune d’une jambe, seulement recouverte de fourrure. Le monstre claudique jusqu’au premier arbre, s’y appui maladroitement avant de se coucher, son museau vient vaguement renifler la plaie sur sa cuisse mais la douleur dans son poitrail le fait renoncer. Il finit par poser sa gueule infernale sur le sol entre ses avant-bras.

C’est mieux ainsi. Répétait l’âme à la Bête. Toutes les chasses devaient avoir une fin. Elle qui ne gardait de son passé que les pages éparses d’une histoire qui finirait mal, elle pourrait s’éteindre avec un peu de dignité. Celle de ne pas avoir été un monstre, au moins une fois. Depuis si longtemps.

Le monstre tournait son regard orange sur l’homme armé.

Pourvu qu’il fasse les choses bien.
La Mort regardait.
La Bête lui avait promis de peindre la lune en rouge.
Astyanax le Gris
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Astyanax le Gris Dim 19 Fév - 1:55
Astyanax le Gris
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Le Gris frémit lorsque, soudain, le sol de la forêt explose tout autour de lui, avec une violence incompréhensible. Les deux créatures sont brutalement séparées, projetées à plusieurs mètres par le souffle d'une magie inconnue, mais pas une brindille n'atteint l'Elfe, qui s'était déjà raidi en prévision de l'impact. Surpris, il perd de vue une seconde durant la créature de nuit, une seconde de trop : déjà elle s'est fondue dans la nuit, telle une ombre impalpable que même l'ouïe du guerrier peine à percevoir. Il aimerait avoir le temps de réfléchir à ce qui arrive, de comprendre ne serait-ce qu'un peu ce qui se joue là, mais la créature d'ombre ne lui en laisse nullement l'opportunité.

Un sourd juron s'échappe des lèvres pincées de l'Elfe lorsque l'ombre s'abat sur une Aliénor visiblement mal en point. Le Gris, atterré, sait qu'il ne peut plus rien pour elle. Comment la créature a-t-elle réussi à le contourner ainsi sans qu'il n'en perçoive rien et aussi rapidement, il n'en sait rien, mais il se mord les doigts de l'avoir sous-estimée. Une erreur qu'il ne commettra pas deux fois, se jure-t-il en avançant résolument contre l'être de nuit avec la ferme intention de lui faire payer chèrement le crime qu'elle s'apprête inexorablement à commettre.

Stupéfait, il voit soudain la créature lâcher sa proie intacte et boitiller jusqu'à l'arbre le plus proche, sérieusement blessée par l'autre créature ailée apparemment. Les yeux plissés d'incompréhension et de méfiance, il n'en profite pas moins du répit pour rejoindre vivement Aliénor, tandis que l'être sombre finit par s'allonger au pied du chêne, ses prunelles orangées fixées sur le guerrier avec une espèce de résignation surprenante. Comme si elle attendait une fin inéluctable, pour une raison qui échappe complètement au Gris. Sa lame s'abaisse un peu, geste d'apaisement bien plus que réel désarmement pour l'heure, lorsqu'il rive ses prunelles de jais aux orbes orangés qui le fixent :

"Tu aurais pu prendre la vie de mon amie, et j'aurais pris la tienne ensuite, pour que le monde soit juste. Mais tu l'as épargnée, je ne sais pourquoi."

Il hausse vaguement les épaules, en ajoutant comme si c'était une évidence :

"Si j'avais voulu ta mort, ce n'est pas du plat de ma lame que je t'aurais frappée, tout à l'heure."


Il ignore si la créature le comprend mais, dans le doute, autant essayer non ? Quant à Aliénor et son "oiseau"...ce qui s'est passé le laisse encore perplexe, mais une fois encore la priorité n'est pas aux questions :

"Maintenant si vous ne voulez pas vous vider de votre sang, tous les trois, je vous suggère de rejoindre l'abri tout proche afin que l'on s'occupe de vos plaies. Et de te nourrir, puisqu'il semblerait que tu sois affamée", achève-t-il à l'intention de la créature d'ombre allongée.

Il n'ose encore baisser sa garde, malgré l'attitude surprenante de l'être obscur. Il reste vigilant aussi envers l'étrange oiseau, après tout il ne sait rien de lui, ni de ce qui le lie à cette jeune femme dont il ne sait pas davantage. Mais le Gris a eu une longue et épuisante journée, et sa longue existence lui a au moins enseigné la patience. Les explications viendront en leur temps, ou pas, dépendamment des réactions des trois étranges êtres qui hantent les bois avec lui, cette nuit.



Aliénor Parker
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Aliénor Parker Sam 25 Fév - 18:13
Aliénor Parker
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L’agitation du cheval, le souffle léger du vent crépusculaire dans les feuilles d’automne, le bruit au sol, le son propagé par des impacts de pas rapides sur la terre humide du sous-bois, la souffrance de Morwenn…Tout cela elle le ressent sur toute la surface de son épiderme en contact avec le sol alors qu’elle inspire et expire laborieusement, minimisant le moindre mouvement afin de conserver un maximum d’énergie, le regard fixé sur un point vague là-bas, la silhouette d’Astyanax. Il n'a rien, la Bête s’est enfouie dans le bois, il est toujours debout ce qui lui apporte un intense soulagement. Les yeux clos, la jeune femme se concentre pour ressentir la présence de la chimère qui, elle le sait, est en piteux état.

Pourtant, au milieu de sa concentration intense, elle esquisse un sourire. Tout petit. Elle a réussi. Ils sont tous les deux saufs, la Bête est en fuite, pour l’instant, et elle-même pourra sans doute s’en remettre avec quelques soins appropriés.

C’était sans compter sur la nature même de cette créature qui les pourchasse.

Les Ténèbres.
L’Obscur.
Le froid réconfort des Ombres.

Elle a baissé sa garde trop vite, elle a tout donné de manière trop intense, Aliénor est aussi inoffensive qu’un nourrisson lorsque la vision de cauchemar l’observe, dévoilant deux rangées de crocs redoutables, sur le point de prendre sa vie. L’Horreur est Sœur des Ombres, elle le sait, pourquoi n’a-t-elle pas anticipé ?

Elle va mourir. Plus loin, Morwenn émet une longue plainte désespérée en écho à celle de la jeune femme maintenue sous la pression des griffes assassines qui éraflent son corps. Impossible de bouger, impossible de se battre, elle a perdu, après des semaines, des mois de vagabondage hasardeux. Le souffle fétide court déjà sur sa nuque alors que les doigts sales de la jeune proie s’enfoncent à nouveau dans le sol, dans un sursaut de combat.

Aliénor a peur. Elle est littéralement pétrifiée par l’angoisse et la perspective de quitter cette vie et pourtant, elle ne renonce pas, pas encore, même s’il ne lui reste plus aucune énergie, plus rien pour activer ce sort qui a repoussé la Bête tout à l’heure.

Lorsque les dents claquent si près de son visage, elle en a un sursaut, les yeux clos, le front en sueur, avant de sentir ses épaules se libérer d’un poids. Rouvrant les yeux sur un horizon dépourvu de crocs, elle relâche la pression sur le sol, elle relâche la pression tout court, exprimant par des larmes silencieuses la peur intense qui a été la sienne ces quelques dernières secondes teintes d’éternité…

Le prédateur renonce ! Il renonce et elle ne comprend pas son attitude, pas plus qu’elle ne comprend celle de son acolyte elfique qui parle, qui dit des mots dénués de sens. La créature est leur ennemie jurée et...et il ne l’abat pas ? Il l’invite même à partager leur feu ? Leur abri ? Après avoir tenté de les tuer ???

Un cri guttural, une protestation s’élève depuis le coin opposé à la scène alors qu’Aliénor tente bravement de se redresser, de se relever sur un coude…Le bras tremble, elle fait ce qu’elle peut pour ne plus être au sol, en danger, en position de faiblesse mais ce bref combat auquel elle n’était pas préparée en plus des blessures ne lui permettent pas d’aller plus loin.

- Elle a tout le temps Faim…, parvient-elle à dire entre deux halètements laborieux. Elle s’en prendra à nous si on lui en laisse l’opportunité.

Elle grimace avant de retomber au sol, la plaie de son dos libérant à nouveau du sang rouge qui roule sur le sol humide. Un mouvement fait craquer quelques branches alors qu’une haute silhouette, aussi haute que celle de l’Elfe, avance en trainant une patte, l’aile droite tombant au sol. Un bref claquement de bec accompagne la démarche, alors que Morwenn rejoint Aliénor en ignorant l’agitation légitime du cheval qui hennit douloureusement à son approche. Il déploie son aile valide au dessus du corps de l’humaine et pousse délicatement son visage du bout de son bec, en un questionnement silencieux. Son amie a l’air si minuscule à côté de lui…Si petite…

- Astyanax…Nous sommes blessés…Nous…, souffle avec peine la petite voix douce.

Elle bouge un peu sous l’aile protectrice et murmure, pâle comme un linceul :

- Dans mon sac…il y a de petites bourses…une d’entre elles, la rouge, contient une pâte de feuilles…Donnez m’en…

Un bruissement d’ailes brunes…Le sac est visible sous la jeune femme.

- Vite…

Une paire d’yeux d’un bleu magnétique ne lâche pas Astyanax. La priorité, c’est soigner son amie. Et en guise de bonne volonté, l’immense aile découvre peu à peu Aliénor qui respire difficilement.
Le Désespoir des Ombres
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Le Désespoir des Ombres Dim 26 Fév - 8:44
Le Désespoir des Ombres
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Un trait d’argent fendrait la toile obscure de la nuit, ouvrant cet univers de noirceur sur l’éclat vibrant du grenat. Un arc parfait, accrochant la lumière de la Lune, pour mieux l’éclabousser du rubis flamboyant.

Était-ce trop demander ? Un peu de poésie, un spectacle à la hauteur de leur public.

Pourquoi le bipède ne frappait pas ? Ce n’était pas le moment d’avoir une panne d’instinct.

Non, il ne lèverait pas son arme. Pire, il lui parlait. Le monstre cligne des paupières, des externes et de cette membrane reptilienne dont il avait hérité récemment. Les mots dansent autour de la créature comme de petits démons rieurs. Il doit avoir perdu l’esprit, ce deux pattes. Elle aurait pu rire, là, de s’imaginer à la place du grand oeil qui regardait la scène de tout là-haut, un bipède face à un monstre, lui expliquant la justice de son monde. Une morale et des principes. Voilà bien deux choses qu’elle ne s’attendait pas à rencontrer le jour de sa fin.

Il parle, il explique mais, il ne baisse pas sa garde. La Bête le sent, le sang circule vivement dans ses muscles, abreuvent encore son organisme de l'adrénaline nécessaire, vitale à un combat. Oh oui, elle le sent.

C’est une odeur délicieuse qui lui rappelle le parfum exquis de l’alcool. De ces vieilles bouteilles qu’on a laissé vieillir, pas oubliées non, certainement pas, chéries et dorlotées, ont les à seulement laissé prendre de l’âge, de la couleur et des arômes. Pour mieux les déguster. Pour mieux les savourer. La créature d’obscurité avale sa salive. Il est si appétissant. Si seulement, elle pouvait planter ses crocs dans son joli cou, goûter son millésime, embrasser la douce délivrance d’une gorgée de jouvence.

Pouvait-on être aussi désirable et si innocent ? S’il avait voulu sa mort, disait-il alors que le monstre s’imaginait la texture de son sang, il n’aurait pas frappé du plat de sa lame. Il l’avait épargné ? Pourquoi ? Elle les aurait dépecés vivants si elle en avait eu l’occasion.

Elle en avait eu l’occasion.
Ils n’étaient pas dépecés.

Le monstre s’ébroue, autour de ses yeux oranges, dans la fourrure noire, apparaissent subrepticement de petites plumes blanches et fauves, de la couleur du plumage de la chimère qui s’est redressée difficilement à quelques mètres de là. Le monstre n’adresse aucun regard à son ancien ennemi, son attention est captivée par l’étrange spécimen qui lui parle. La Bête saisissait son langage, ses mots avaient un sens mais elle ne le comprenait pas. Les intentions à son égard étaient si limpides habituellement. La tuer ou lui échapper. Il n’y avait pas de place pour les nuances.

Lui, il parlait. Il la regardait. Il l’invitait.

La gueule de la Bête se redresse brusquement alors que la proie suggère de rejoindre l’abri et de la nourrir. Avait-elle bien compris ? Son esprit lui jouait-il des tours ? La faim, la perte de sang et sa fin arrivant, elle devait halluciner. Un cri ponctuait l’insensée proposition, provenant certainement communément des deux autres proies, celle qu’elle avait croqué et celle à laquelle elle avait renoncé. Celles-là savaient, elles avaient sentis la mort rôder, flirter avec les canines de la prédatrice. La plus faible était sans doute la plus raisonnable. Elle voyait juste, si on lui laissait l’opportunité, elle se nourrirait. Son sang à elle aussi, sentait merveilleusement bon alors qu’il allait abreuver le sol. Quel gâchis.

La petite humaine avait raison. Comment la Bête pourrait-elle résister ? C’était demander à un affamé de tourner le dos à un festin. Du poulet croustillant, des côtelettes juteuses et un grand verre de votre meilleur vin. La Bête se voyait déjà attablée.

Faisait-elle cela autrefois ? Avant que son visage ne soit celui d’une bête, avant que la Faim ne surplombe ses principes, dans cet autre monde où elle aurait ri, de ce futur ridicule qui serait pourtant le sien. Cela changerait-il quelque chose si elle se rappelait ? Sans doute pas. La proie trop humaine appelle à l’aide, le monstre rabaisse sa gueule et la repose sur ses avant-bras. Elle attendrait. Qu’il vienne l’occire ? La réponse n’est plus si claire dans l’esprit malmené de la créature de cauchemar. Elle préférait finir sa vie sur une belle peinture, cela était certain mais… un sentiment étrange, dérangeant, avait gagné ce qui lui restait de coeur, enfouis là entre ses côtes émaciées sous l’épais pelage. Elle était curieuse.

Une douleur vive lui vrille les tympans avant d’atteindre la base de son dos. La créature reste étendue, silencieuse et circonspecte. Un éclair azuré fend ses prunelles infernales. Un flot d’émotions submergent ces sens, une seconde avant de disparaître. Cette douleur n’était pas la sienne. Le monstre détourne son attention de l’Insensé et appétissant pour se poser sur la Trop humaine et sa chimère. Elle avait à peine touché à son dernier repas, une toute petite bouchée, dont elle aurait dû hériter quelques plumes, une meilleure vision nocturne peut-être, une souplesse dans sa nuque aurait été adéquate aussi.. Si elle avait fini son assiette, qui sait, peut-être une paire d’ailes ? La Bête serait devenue un peu plus monstrueuse, un peu plus létale encore. Elle aurait porté avec elle, les attributs de son ancienne proie, des trophées comme des témoignages, de ceux qui avaient été et de ceux qui avaient sombré. Et son âme se serait enfoncée un peu plus profondément, ensevelie sous les couches successives des monstres qui composaient son alimentation.

Pourtant nulle vision nocturne améliorée ni torsion du cou à la clé de cette petite gorgée. Ce n’était vraiment pas le jour de la Bête, non seulement elle voyait s’éloigner la poésie d’une fin théâtrale mais elle allait aussi finir par regretter son dernier repas.
Astyanax le Gris
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Astyanax le Gris Mar 7 Mar - 23:35
Astyanax le Gris
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La surprise, dans le regard soudainement perturbé de la créature d'ombre. La faim, aussi, dévorante et pourtant contenue, de cet être inconnu qui a renoncé à dispenser la mort pour s'allonger là et attendre. Attendre. Immobile silhouette couleur de vieil argent, bardée d'acier étincelant sous les rais de lune qui franchissent le dais sylvestre, le Gris écoute. Observe. Attend.

Quelques secondes s'égrènent, au fil d'un cri rauque de négation, puis de l'approche laborieuse du protecteur de la jeune femme, au gré de brindilles qui craquent et du frou-frou de son plumage ensanglanté ; au grand déplaisir du cheval, qui se manifeste d'un tonitruant hennissement. Quatre monstres dans les bois, diraient sans doute les humains, tripes serrées, s'ils les voyaient. L'Elfe entend les paroles d'Aliénor, pressantes, suppliantes presque. Les soupèse un bref instant.

Il lui faut se désarmer, pour fouiller le sac de la jeune femme à la recherche d'une bourse rouge. Et dans cette pénombre, comment distinguer le rouge du brun, ou de toute autre couleur sombre ? Déposer ses armes pour aller se mettre à la merci de cet être ailé dont il ne sait rien, qui le surplomberait de toute sa taille, tandis que l'autre créature de nuit serait tapie dans son dos ? Une perspective des plus réjouissantes... Pourtant, la vive lame regagne son fourreau en une fluide arabesque d'argent, sans que le regard d'onyx de l'Elfe ne quitte celui, plus perturbé que jamais, de l'Ombre.

"Je ne sais pas qui tu es, mais je sais que tu n'es pas mauvaise. Affamée, perdue peut-être, mais pas mauvaise."

Il dépose alors soigneusement son bouclier contre un arbre, avant de se tourner vers l'être ailé qu'il scrute un court instant d'un regard perçant. Il incline légèrement le visage, comme pour le saluer, avant de se pencher pour chercher la bourse demandée en remarquant sombrement :

"Je ne vois pas grand chose dans cette obscurité, mais vous saignez beaucoup et je ne suis pas sûr que quelques herbes vont suffire..."


Il ne s'explique toujours pas comment elle a pu être blessée ainsi, comme en miroir de l'être ailé qui a, lui, réellement, physiquement, reçu la morsure, mais quelle importance ? Quant à trouver cette fichue bourse rouge, il préfère présenter prestement à la jeune femme les différentes sachets que contient son sac, dans l'espoir qu'elle reconnaisse celui qu'elle veut car lui n'y voit pas assez pour être certain de son choix. Il songe fugacement que c'est d'un vrai guérisseur dont ils auraient besoin, mais pas un humain à cent lieues à la ronde n'accepterait seulement d'entrer dans ce bois au coeur de la nuit, et le plus endurci s'évanouirait probablement en découvrant la nature de ses patients... Lui-même n'en mène pas carrément large, en cet instant, désarmé et dos exposé aux deux inquiétantes créatures qu'il est, presque totalement à leur merci. Mais, parfois, il faut savoir offrir sa confiance pour l'obtenir en retour, de l'avis de l'Elfe... qui n'en garde pas moins la main toute proche de la fine dague dissimulée dans la tige de sa botte gauche. A tout hasard.
Aliénor Parker
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Aliénor Parker Lun 13 Mar - 7:14
Aliénor Parker
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Pas mauvaise ?
Pas mauvaise…

La joue contre le sol humide et moussu, Aliénor écoute. Et c’est le grondement guttural, désapprobateur de la chimère qui s’exprimera à sa place. Le bec redoutable claque, le regard surnaturel fixe l’Elfe par en-dessous jusqu’à ce qu’un mouvement de la jeune femme interrompe la manifestation houleuse. Une aile protectrice viendra alors se poser sur elle, comme pour s’excuser. Le grondement persiste toutefois, assez bas.

Ce n’est pas le moment. Ce n’est le pas le moment pour ça, il faut absolument qu’elle accède à ses soins, cachés dans sa jolie besace. Le grand Elfe gris ne trouve pas, il ne parvient pas à les distinguer et il les extirpe alors, déposant le tout près d’elle. Même si elle a quelques raisons de ne guère apprécier que tout soit sorti du sac, elle palpe les petits objets, fébrilement, à la recherche d’une texture bien précise. La manœuvre ne sera pas longue…

-Je l’ai…

Les petits doigts fins défont péniblement les cordons. La respiration d’Aliénor devient sifflante, laborieuse, un gémissement s’extirpe de la gorge de la chimère qui semble vouloir consoler la jeune femme au sol, une jeune femme qui perd son sang et qui est en train de littéralement lutter pour sa vie. Et…contre autre chose…

Il y a soudain en son esprit une présence qui ne devrait pas s’y trouver, quelque chose de violent et de brutal, une souffrance différente, une présence totalement intrusive. Le front d’Aliénor se couvre d’une suée, alors que ses doigts s’agitent pour se dépêcher d’extraire ce qui ressemble à une bille de composition difficile à déterminer dans l’ombre.

-Sors…Sors de mon esprit…

Elle porte la bille à sa bouche et la croque avant d’avaler puis de reposer lourdement sa tête sur le sol, les yeux clos. Timidement, les doigts d’Aliénor cherchent ceux de son compagnon elfe, comme si elle cherchait un réconfort, un soutien, quelque chose de rassurant.

-S’il vous plaît, ne vous éloignez pas…Je vous expliquerai…mais ne laissez pas la créature nous approcher. Mpfff…, termine-t-elle en retenant sa respiration.

Dans le silence approximatif du sous-bois, il y a un craquement, un bruit un peu horrible, comme si du bois sec cédait à la chaleur des flammes. Un cri sera étouffé par la sphaigne humide mais l’autre, lui, en écho, provenant de la chimère, sera puissant, long et douloureux. Cela dit, peu à peu, les plaies de l’étrange créature ailée se ferment, soudées par une magie puissante, luminescente et parfaitement visible par Astyanax. Une odeur merveilleuse de fleurs, une fragrance poudrée et douce s’étend sur les présents, alors que la lumière disparait, confirmant le soin intégral des blessures de la Chimère qui se redresse de toute sa hauteur. Le regard bleu, totaltement surnaturel, accroche à nouveau celui de l’Elfe avant qu’un bruyant soupir lui échappe. Un battement d’ailes et il disparaît dans la nuit noire, cédant sa place à un hibou marron au grands yeux bleus, perché sur une branche non loin de la scène, comme s’il était incapable de s’éloigner davantage.

Au sol, Aliénor, elle, respire un peu mieux malgré son état flagrant de faiblesse.

-ça va…ça va aller…Je…

Elle tente de ranger ses effets dans sa besace. Des petites bourses essentiellement, un peu de linge, un morceau de bois mal sculpté et à la forme indéterminée…Aliénor ne se plaint pas, elle se plaint rarement d’ailleurs, mais là, elle a besoin d’aide…

-S’il vous plaît, aidez-moi à me mettre debout…

Pourtant, peu après avoir prononcé ces mots d’une voix douce, elle tourne la tête vers la créature là-bas. Il y a quelque chose…un schéma de pensée…on dirait des pensées humaines. Est-ce possible ?

-Je ne…Je ne sais pas ce que c’est mais…c’est maudit. Un puissant maléfice…Je ressens sa présence…Il a gouté mon sang…Il sait tout…Il ne va jamais nous laisser…

Le flot de paroles décousues s’échappent de sa gorge, comme le font les personnes soumises à un choc énorme et qui tentent de donner le change pour n’inquiéter personne.

-Vous me croyez, hein ? , demande-t-elle en s’agrippant à lui, désespérément.
Le Désespoir des Ombres
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Le Désespoir des Ombres Mer 22 Mar - 12:17
Le Désespoir des Ombres
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Je ne sais pas qui tu es. Le monstre inconnu fixe l’elfe inconnu. Le couché de soleil que lui offrent ses prunelles infernales se teinte d’une lueur étrangère. Elle n’est pas mauvaise. La Bête souffle du museau, peut-être rit-elle, peut-être soupire t-elle. Le Bien et le Mal que pouvaient contempler les jolies mirettes de l’elfe, n’avaient pas de prise sur le monstre. Il se nourrissait. Était-ce bien ? Était-ce mal ? Qui jugerait si sa vie était bénéfique ou maléfique ? Ses proies ? Ses chasseurs ?

Ou lui ?

L’Ombre le suit du regard alors qu’il dépose son bouclier contre un arbre et se détourne d’elle pour saluer l’être ailé. Elle contemple son dos, un long moment.

Je ne sais pas qui tu es. Avait-il dit. Qui. Pas quoi. Son existence noyée dans les ténèbres n’avait plus de personnalité propre depuis longtemps, non ? Le linceul déchiré de l’âme damnée restait suspendu à ses mots. Il flottait à la surface d’un océan devenu oasis asséchée, maintenant difficilement ensemble les réminiscences d’une conscience parasitée. Il luttait pour garder le contrôle. Si souvent il avait abandonné, si souvent la Faim avait gagné du terrain, remplaçant des lagons de sagesse par des dunes d’ossements.

La Bête tourne sa gueule cauchemardesque vers la carcasse du lièvre tombé à terre un peu plus loin. Cela faisait longtemps que le fluide vital des simples animaux ne la nourrissait plus et celui-là avait été tué depuis trop longtemps, son sang mort était du poison. Aurait-elle vraiment essayé de se nourrir sur une carcasse ? Même vivant, un lièvre ne pouvait pas la sustenter. Ce n’était pas une question de quantité mais de qualité. Les animaux ordinaires comme les humains, n’avaient simplement pas ce qu’il lui fallait. Son regard se tourne vers les deux créatures bien peu ordinaires qui s’occupaient de la survie de la petite chose sanguinolente qui gisait au sol.

Un éclair bleu fend à nouveau ses pupilles alors que son esprit glisse dans celui de l’enfant. Car ce n’est qu’une enfant. La Bête le sent, elle le sait. Leurs douleurs s’échangent un bref instant et le Monstre se perd dans cette conscience étrangère. Il griffe ses parois intangibles pour sortir. Le chemin qui s’était tissé entre elles disparaît aussi brutalement qu’il était apparu.

Quelle désagréable sensation. La Bête s’ébroue, un frisson grimpe le long de son échine et ébouriffe son poil. Son sang était bon mais c’était de l’alcool de contrebande, il laissait une sacrée gueule de bois. Le Cauchemar se redresse, difficilement, lentement, silencieusement. Les trois autres sont occupés, à parler et à crier aussi. Qu’ils sont bruyants.

Elle n’aurait pas son poème macabre ni sa marche funèbre, pouvait-elle au moins avoir un peu de silence ? La silhouette monstrueuse s’extirpe du sol et se détourne du repas si parfait qu’elle avait bien failli dévorer.. Le soleil mourant de son regard effleurait une dernière fois la silhouette de dos avant de se tourner vers le chemin à suivre.

L’aube finirait par poindre et elle ne voulait pas finir ainsi. L’astre la brûlerait lentement, ce cruel tortionnaire. Elle préférait éviter de lui donner cette satisfaction. Boitant et claudiquant, le terrible monstre avait perdu de sa superbe alors qu’il rejoignait péniblement sa dernière demeure. Il remontait le faible courant du ruisseau, laissant une trainée de précieux rubis se former dans la source. La Bête restait prudente. Elle savait qu’elle n’était pas la seule créature dans cette forêt à aimer le sang, sans doute pas autant qu’elle, pas de la même manière, mais les prédateurs ne manquaient pas. Désormais même les plus faibles d’entre eux pourraient se risquer à l’attaquer s’ils remarquaient son état. Le cocktail qu’elle transportait dans ses veines était unique et puissant, pour qui savait l’utiliser.

Elle marchait donc dans l’eau, cela la ralentissait, la fatiguait mais, cela limitait aussi les traces qu’elle laissait. La piste serait plus longue à remonter, espérait-elle, lui laissant le temps d’expirer en paix avant que le premier prédateur un peu courageux ne vienne la bouffer. Une cavité dans les rochers un peu plus loin, laissait entrer l’Ombre et refermait sur elle les bras d’une profonde obscurité. À l’extérieur le ciel nocturne s’était couvert d’épais et lourds nuages. Il neigera bientôt.
Astyanax le Gris
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Astyanax le Gris Mer 29 Mar - 15:53
Astyanax le Gris
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En apparence impassible, l'Errant se contente de hausser légèrement un sourcil lorsque l'impressionnant être ailé claque férocement du bec en grondant ; il ne semble pas craindre davantage de soutenir le regard acéré qui semble le juger impitoyablement à chaque seconde, comme en l'attente de l'erreur, de la faute la plus infime, pour frapper. Et dans son dos, la créature de ténèbres attend-elle le moment propice pour jaillir ? L'a-t-elle berné pour être en mesure de l'attaquer par surprise ? Les quelques secondes qu'il faut à Aliénor pour trouver sa bourse et en extirper le remède semblent bien longues à l'Elfe, même s'il ne montre presque rien de son trouble, de ses craintes. Perturbants instants, aussi, tandis que la jeune femme semble lutter pour garder le contrôle de son esprit, avant de lui demander de ne pas s'éloigner et de ne pas laisser la créature de nuit les approcher. Il la scrute un instant d'un regard guère moins acéré que celui de son protecteur alors qu'elle lui presse les doigts, à la recherche d'un réconfort sans doute, puis hoche simplement la tête en guise d’acquiescement.

Il lui répondrait sans doute si elle ne se tordait à cet instant d'un spasme de douleur, répercuté par un craquement sinistre suivi d'un effroyable hurlement de son protecteur ailé. La créature d'ombre s'est levée, découvre le Gris avec un frémissement de l'échine lorsqu'il se redresse vivement pour voir de quoi il retourne... mais ce n'est que pour s'éloigner en remontant le ruisseau, apparemment, et mal en point à en juger par sa démarche laborieuse. L'être ailé, lui, se voit soudain paré d'une lueur surnaturelle qui, à la surprise du Gris, referme ses plaies en quelques instants ! La bête le fixe alors une nouvelle fois, puis soupire bruyamment avant de... se métamorphoser en une "simple" chouette ?! Du moins, si une simple chouette pouvait avoir les yeux d'un bleu aussi peu commun...

Perplexe et troublé, le Gris écoute avec une extrême attention les propos de la jeune femme alors qu'il l'aide à se relever en douceur, mais ne répond pas immédiatement à sa question pressante, bien qu'elle s'agrippe à lui comme un naufragé perdu au milieu de l'océan s'accrocherait à sa planche de salut. Il prend le temps de jeter un nouveau coup d'oeil à la créature d'ombre, désormais presque invisible dans la nuit tandis qu'elle remonte péniblement le petit ru qui bruisse doucement dans les ombres de la sylve. Un court instant de réflexion encore, puis il repose ses prunelles d'onyx dans celle de la jeune femme avant de reprendre la parole, comme s'il soupesait soigneusement chacun de ses mots avant de les exprimer :

"J'ignore ce qui se joue ici, Dame, trop de choses m'échappent. Ce que je sais c'est que cette créature aurait aisément pu vous déchiqueter, et qu'elle ne l'a pas fait. Pourquoi ? Je ne sais pas. J'ignore aussi ce qu'est, ou qui est, votre...protecteur, et pour quelle raison il semble être en conflit avec cet être de ténèbres qui, pour autant que je puisse en juger, me paraît fort proche de sa fin."

A ces derniers mots, il désigne du menton les volutes sanglantes teintant d'écarlate les eaux habituellement cristallines du ruisseau : assurément, aucun être vivant ne peut se permettre de perdre longtemps autant de sang sans y laisser sa peau.

"Peut-être est-elle maudite mais, si tel est le cas, elle pourrait alors être victime bien plus que bourreau. Le seul moyen d'en avoir le coeur net, c'est de la suivre et de s'assurer qu'elle survive à cette nuit. De toute façon il me semble qu'elle se dirige vers l'abri que nous avions prévu de rejoindre, et c'est le seul à proximité qui nous protégera de la neige qui s'en vient."


Il désigne ensuite d'un geste vague la direction du village en ajoutant :

"Par ailleurs, avec le raffut de cette nuit les humains pourraient bien se décider à lancer une battue pour en finir avec ces troubles. Une tempête de neige nous donnera un peu de temps, mais plus vite nous pourrons nous mettre en route, mieux cela vaudra pour nous tous. Ce qui implique que vous soyez en état de le faire."


Se détachant doucement de la prise d'Aliénor, il récupère son bouclier et le fixe rapidement au bât de sa monture avant de refaire face à la jeune femme, en lui tendant une main secourable au cas où elle aurait besoin d'aide pour avancer :

"Allons donc nous abriter et faire un peu de feu, voulez-vous ?"
Aliénor Parker
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Aliénor Parker Lun 24 Avr - 16:22
Aliénor Parker
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Fort proche de sa fin…Ce sont les mots qu’elle retient parmi tous les propos d’Astyanax qui font apparaître une seule et unique ride sur son front lisse tâché de boue, une ride de contrariété. Comment ne peut-il pas voir l’évidence alors qu’elle la lui crie depuis quelques instants ? Cette créature est le Mal absolu, celle qui la poursuit depuis son lointain chez-elle, celle qui l’a poussée à toutes les extrémités pour ne pas finir entre ses griffes, dans tous les villages, sur tous les chemins. Et lui, le sage Elfe qui a voyagé, il ne voit donc pas cela ? Il ne voit pas ?

Elle n’est pas en mesure de s’enfuir, elle n’est en mesure de rien à part se tapir dans un coin et attendre que la…le peu de magie qu’il lui reste produise son effet. Un effet lent…Elle a été très grièvement blessée et là aussi l’Elfe ne semble pas s’en rendre compte. Pourtant, fidèle à elle-même, Aliénor n’en montre rien. Elle se tait, au moins sur l’urgence de soins qu’elle sait qu’elle n’obtiendra pas avant de longues journées de repos ou de marche en quête d’une source de magie. Ce qui compte pour l’instant est de rester en vie, que Morwen s’en soit sortie sans trop de casse et qu’Astyanax soit indemne. L’idée même que le digne Elfe puisse être blessé lui apporte un sentiment étrange de malaise. Un hululement sinistre s’élève sur la droite, sortant la jeune femme de ses pensées sombres et la ramenant à l’impérieuse nécessité de trouver rapidement un abri.

La main tendue d’Astyanax, elle l’évite. Elle n’a pas envie qu’il la considère comme une dame en détresse. Elle ira seule, à son rythme, tout en gardant son sac à ses côtés.

-Les Humains vont pouvoir dormir tranquille. Les monstres…s’en sont allés, souffle-t-elle en passant devant lui, tête basse sous sa capuche rabattue. Ils n’ont plus aucune raison de craindre la nuit.

Le corps frêle serré dans sa cape, elle avance, suivant le ru à l’oreille, la main posée sur son sac. Les doigts sont crispés, le bras est tendu tout comme l’est le corps en entier de la jeune femme. Les épreuves ? Elle a l’habitude. La compagnie, un peu moins par contre. Si elle ne sait rien cacher à Morwen qui la suit silencieusement dans les branches de la canopée, c’est compliqué de savoir quelle conduite adopter vis-à-vis d’Astyanax.

Il l’a sauvée de cette horrible auberge, il lui a donné de quoi manger, des habits, il a été décent avec elle, d’une décence rarement rencontrée tout au long de ses tribulations. Il lui a semblé qu’elle pouvait lui faire confiance, au moins pour l’essentiel : il n’abusera pas d’elle, il ne cherchera pas à prendre ses avantages compte tenu de ses talents martiaux, il ne profitera pas de la situation. Et en cela, pour Aliénor, il est au-dessus de la minuscule considération que la jeune femme peut éprouver envers un monde qui n’a jamais été tendre avec elle.

Elle se tourne un instant pour le regarder. Pourtant, malgré sa sagesse, il se refuse à voir l’évidence. La Bête n’a rien de gentil. Elle n’a rien de bon. Elle n’a rien d’humain. Le maléfice est trop ancien, trop ancré en elle pour qu’elle puisse être sauvée, elle en a la certitude. Dès qu’elle en  aura l’occasion, elle se servira, elle s’en prendra à Morwen, elle s’en prendra à sa personne, parce qu’il en a toujours été ainsi. Une plainte provient de la canopée alors que la petite brune trébuche sur un gros caillou.

-ça va…c’est plus trop loin j’imagine…, dit-elle tout bas.

Tout au long du chemin, elle n’a pas dit un mot à Astyanax, autant pour garder ses forces que pour ne pas trahir toute la haine qu’elle ressent envers cette Bête qui la poursuit depuis des semaines, peut-être bien des mois, elle a perdu le compte…pour ne pas trahir son angoisse et sa peur. Parce que oui, elle a peur. Elle a beaucoup puisé dans ses maigres réserves pour défendre l’Elfe, pour défendre Morwen et elle sait qu’elle ne pourra sans doute pas renouveler l’expérience avant un moment. Il faut impérativement trouver une source de magie pour qu’elle puisse se ressourcer. Le temps presse.

Un regard vers le ciel…La neige…Le froid irrite son nez, le souffle du vent est chargé de ce piquant annonciateur des pires chutes hivernales…un baiser glacé fond sur le bout de son nez, ce qui amène un sourire, enfin, sur ses lèvres pâles.

-Il est temps de nous mettre à l’abri…

Et par un heureux hasard leur abri s’annonce enfin, dévoilé par les branches de lierre soulevées par le vent.


Panique à la Taverne du Chat qui miaule ! - Page 2 E1fe0310

Aliénor a une hésitation devant les profondeurs sombres qui se dévoilent là devant elle. Pourtant, elle n’a pas le choix. C’est le seul endroit à priori disponible. La chouette aux yeux bleus descend des branches en vol plané et se pose sur une grosse pierre près de l’entrée, comme pour vérifier à son tour, le cou se tordant en de rigolotes contorsions et angles bizarres.

Pas de trace de la Bête, pour ce qu’elle peut en juger, Morwen le lui aurait sans doute signalé. Il n’y a pas d’odeur de sang, ce qui est rassurant…et qui ne l’est pas tout à la fois. Avec un peu de chance, la créature est morte. Avec un peu moins de chance elle va partager les lieux avec eux.

-Personne ne vient jamais ici, il n’y a pas de trace de feu récent, rien…Je crois que…Je crois qu’on peut s’y installer au moins pour cette nuit, dit-elle en entrant, la capuche déjà décorée de flocons de neige. Il y a de la place pour votre cheval sur la droite, dit-elle en avançant à pas très lents, la main droite glissant sur la paroi humide et ne rencontrant soudain plus qu’un vide éclairé par de minuscules champignons diffusant une douce  lueur bleue, assez large et profond pour que l’animal puisse s’y étendre en entier.

Aliénor est bien consciente qu’elle va devoir donner des réponses, mais…pas tout de suite. Là, elle s’assoit sur une pierre plate entourée de dizaines de petits champignons luminescents, ramenant ses pieds sous sa jupe, en essayant de ne pas songer à sa douleur, la main obstinément posée sur son sac. Morwen, sous forme de chouette, avancent près d’elle, pour qu’elle la caresse. Recroquevillée dans sa cape, elle abaisse sa capuche pour souffler, le regard posé sur l’entrée, inquiète, avant de parler enfin à voix basse, toujours :

- Je ne voulais pas qu’elle s’en prenne à vous… Elle nous traque depuis longtemps, ajoute-t-elle tout bas en caressant délicatement Morwen. Et…Elle recommencera…Et cette fois je ne pourrai rien faire pour l’empêcher de vous tuer. De nous tuer tous…

L’œil luisant d’Aliénor cherche celui de son ami Elfe.

- Je vous en supplie, ne la laissez pas entrer…
Le Désespoir des Ombres
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Le Désespoir des Ombres Lun 24 Avr - 18:38
Le Désespoir des Ombres
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Tombent les flocons, guirlandes striant l'obscurité en pointillés inconscients. La lune leur offre un dernier éclat alors qu'ils traversent les cieux, à la recherche d'une attraction irrésistible, la froide étreinte de la terre. Un baiser glacé qui se frayait un passage à travers la fourrure sombre, des crocs de glace qui se refermaient lentement autour de la cage thoracique de la Bête couchée au sol. La pierre était humide, l'air lourd mais l'obscurité quasi parfaite. Il y avait bien ces petits champignons luminescents qui s'évertuaient à survivre mais ils disparaissaient bien vite, fauchés par le frottement de son corps endoloris contre la paroi. Elle s'était finalement allongée là, au plus profond de cette cavité, tapis dans l'obscurité, à l'affut. A l'affut de quoi au juste ?

Pouvait-elle espérer voir la Mort elle-même lui rendre visite ? Une aimable Faucheuse qui reconnaîtrait sa laborieuse existence avant de l'emporter. Son âme décharnée entre ses bras squelettiques, elles quitteraient la grotte ensemble, comme deux amies. La Bête a fermé les yeux. Son souffle régulier est devenu imperceptible, si faible qu'il tromperait même les sens de proies averties... sans doute. Ses oreilles lupines se dressent. Des pas qui approchent. Et une voix. Sa voix.

Le Monstre roule des yeux derrière ses paupières closes. Pourquoi fallait-il qu'ils viennent profaner sa tombe avant même qu'elle ne soit creusée ?  

La voix est lointaine, sans doute se sont-ils arrêtés à quelques pas de l'entrée. La Bête ne saisit que des bribes de conversation.  "...pour l’empêcher de vous tuer. De nous tuer tous…" Oh ? Parlait-on d'elle ? L'orgueil de la créature d'ombres frétille faiblement, on lui fera au moins un semblant d'éloge funèbre. Elle continuera d'exister. Dans les cauchemars de tout ceux qui avaient survécus à sa Faim. Elle serait l'éternel monstre, la gueule ouverte des enfers et la gardienne des innombrables abominations qu'on lui prêtait. Elle était le Dévoreur d'enfants à l'ouest, le Mangeur de brebis à l'est, la Terreur des bois au nord.. tout cela en même temps. Si terrifiante qu'elle était universelle en plus d'être apparemment capable de se dupliquer. À moins que ce ne soit que des histoires ? Des contes et des fantasmes, teintés d'une vérité inaliénable : la Peur. Elle était l'Inconnue, la plus grande menace des races pensantes.

Dormiraient-ils vraiment tranquille ? Ces Humains qu'elle abhorrait et qu'elle refusait pourtant de dévorer, malgré tous les crimes dont on l'accusait, finiraient-ils par trouver le sommeil et la paix, si elle disparaissait ? Ou trouveraient-ils un nouveau monstre à condamner de leurs péchés ?

- Je vous en supplie, ne la laissez pas entrer…

La Bête sourit. Ses babines se retroussent avec la force de l'ironie. Elle pouvait sentir son sang à présent, imbibé dans ses vêtements et dans les plumes de son compagnon. Le sourire disparait. La Faim agrippe ses intestins et les tords douloureusement. Elle veut la dévorer. Sa douce proie. Sa jolie humanité. Elle est si vulnérable, si proche de lui tendre sa nuque. Le souvenir de sa jugulaire, à quelques millimètres de ses canines, fait saliver la Bête insatiable. Cependant, elle avait échoué alors, elle échouerait encore, tant qu'elle n'aurait pas réussi à se débarrasser de ce morceau de conscience qui restait accroché là, comme un bout de viande entre ses dents. Puis il y avait l'argenté. Sa lame et ses mots.

Ah... Elle ne voulait pas se torturer, seulement les dévorer ou mourir seule. Pourtant, ses deux souhaits semblaient décidés à lui échapper. Peut-être qu'elle ne les voulait pas assez fort. Il y en avait bien un.. un qui gagnait du terrain, à mesure que le délicat parfum du sang embaumait ses pensées.

Quitte à mourir, puisqu'elle ne pourrait pas mourir selon ses termes, peut-être qu'elle pourrait le faire dans l’allégresse d'une dernière chasse, d'un bond éperdu, à l'issue fatidique mais brève. Deux orbites oranges s'ouvrent dans l'obscurité. Il suffirait qu'elle se redresse. Elle attendrait que l'homme prenne sa garde à l'entrée ou qu'il aille chercher du bois, un instant d’inattention.. La chouette ne serait pas un problème dans cet espace réduit. Oui, ce serait rapide. Une chasse simple puisque sa proie venait jusqu'à elle.

Les muscles de ses membres se tendent, la silhouette d'ombres se redresse, monstrueuse et silencieuse, une arme vivante.. jusqu'à ce que son flan ne s'effondre contre le mur. La chasse aurait été simple et rapide, si elle n'avait pas été dans cet état. Elle avait perdu trop de sang. Pourtant, elle refusait de mourir à côté de ses proies. C'était une question d'orgueil.

Depuis quand en avait-elle ?

Le Monstre s'extirpe difficilement de sa position, son épaule collée contre la paroi humide, il émet un long et grave grognement. Un son guttural qui résonne sourdement contre la pierre, s'amplifie avant de mourir en vibrations inaudibles. Qu'ils partent. Elle était arrivée ici avant eux. C'était son tombeau. Ou ce serait le leur.

Les douces lueurs bleutés qui parsemaient la caverne s'éteignent sur le passage de la créature cauchemardesque. Son ombre semble s'étendre dans toutes les directions alors que sa gueule carnassière apparait. Puisqu'ils avaient décidé de venir la défier jusque sur son lit de mort, elle leur donnerait ce qu'ils cherchaient. De la peur et du sang.

Du moins, c'était son intention. Pourtant, son spectacle ne trompe plus personne lorsqu'elle chancèle, se rattrapant de justesse une première fois avant que la brume ne couvre sa vue. L'anémie la terrasserait avant son grand final. Un comble. Ou une ironie macabre.
Astyanax le Gris
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Astyanax le Gris Mer 26 Avr - 19:55
Astyanax le Gris
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L'Errant accueille d'une légère moue pensive le refus d'Aliénor d'accepter son aide, mais il se garde bien du moindre commentaire. Quant à ses paroles, il lui répond d'un ton calme et mesuré tout en récupérant son cheval de bât :

"Je n'ai pas vu de monstre cette nuit."

Mais l'heure n'est pas au débat, si courte que soit la distance jusqu'à l'abri elle est un calvaire pour la jeune femme, comme pour l'être de nuit sans doute, dont les fluides vitaux se dissipent lentement dans le ruisseau. Toutes deux ont urgemment besoin de soins et de repos, le Gris ne le sait que trop bien, mais comment gérer ces deux-là, ces trois là plutôt, dans l'espace somme toute confiné de l'abri ? Tandis qu'Aliénor soulève le lierre qui masque à moitié l'entrée de la cavité, Astyanax se baisse quelques instants pour observer le sol et les feuillages. Nul besoin d'être un pisteur chevronné pour suivre la trace sanglante de la créature de nuit, déjà dans l'abri, semble-t-il. Cet abri dans lequel la jeune femme entre en affirmant que rien ni personne n'est venu troubler la quiétude des lieux depuis belle lurette...

Pourtant, nul signe de l'ombre pour ce que peut en apercevoir le guerrier à la chiche lueur de quelques champignons phosphorescents. Elle pourrait s'être réfugiée plus profondément, ou ne pas être là pour ce que l'Elfe en sait, la trace de sang qu'il a vu à l'entrée ne signifiant pas obligatoirement que l'être y est entré. Alors qu'il s'efforce de percevoir le moindre son en provenance des profondeurs, Aliénor lui explique tout bas qu'elle ne voulait pas que l'être de nuit s'en prenne à lui, mais qu'elle ne sera plus capable de les protéger lorsque l'être attaquera à nouveau, immanquablement selon elle. Lorsqu'elle le supplie de ne pas laisser entrer l'être, le Gris accroche son regard et rétorque avec un petit signe de la tête en direction des profondeurs de l'abri :

"Je ne suis pas certain, mais je pense qu'elle est arrivée ici avant nous."

Il observe l'étrange chouette durant une courte seconde, réfléchissant selon toute apparence, lorsqu'un grondement guttural jaillit des ténèbres de la grotte. Surpris, le Gris pivote brusquement pour faire face tandis que sa lame jaillit à moitié du fourreau avec un sinistre chuintement. Mais le "monstre" effroyable n'a plus grand chose de terrifiant, à l'instant où il apparaît. Les membres tremblants et le regard voilé, il n'est visiblement plus en mesure de menacer qui que ce soit...ce qui n'empêche nullement le Gris de rester circonspect, même si son acier regagne lentement le fond de son fourreau. Passant de l'être sombre à Aliénor, puis à la chouette, il déclare posément à l'attention des trois :

"Si vous voulez vivre, je vous suggère de faire une trêve et de me laisser refermer rapidement vos plaies."

Quelle que soit l'urgence, l'Elfe ne paraît aucunement enclin à céder à la précipitation, tout comme il refuse encore et toujours de considérer l'Ombre comme une vulgaire menace à éliminer. Elle est dangereuse, sans le moindre doute, mais le protecteur ailé de la jeune femme l'est tout autant, et lui-même n'est guère en reste à ce niveau.

Il ne lui faudrait que quelques instants pour rassembler de quoi faire un feu, l'allumer et récupérer le nécessaire dans ses fontes, toujours sur le dos de son cheval. Mais pas question de sortir chercher tout ça avant d'être raisonnablement certain que les trois têtes de mules ne s'écharperont pas parmi dès qu'il aura le dos tourné...

"Alors ?"

Malgré le poids de ce simple mot, nulle trace d'impatience dans le ton ou la posture du Gris ; c'est qu'il a sa notion du temps bien à lui, l'Errant séculaire, et quelques principes qu'Aliénor ne parviendra pas à lui faire transgresser, quel que soit son désir de voir son ennemie définitivement terrassée. Mû par son instinct, il demande encore à cette dernière :

"As-tu un nom ?"
Aliénor Parker
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Aliénor Parker Ven 28 Avr - 4:21
Aliénor Parker
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Le hululement strident de la chouette n’est que l’écho de ce que ressent la jeune femme à l’instant où le grondement bestial se fait entendre. Elle est ici. C’est impossible…Elle aurait du ressentir sa présence, percevoir l’odeur du sang, elle aurait du…Elle est donc bien plus mal en point qu’elle ne le pensait au départ, se dit-elle avec horreur.

Les lueurs orangées, les crocs redoutables, la silhouette immense ! Aliénor a l’air toute petite, minuscule à ses côtés, tout comme l’est Morwen qui s’agite terriblement désormais. Les ailes s’ouvrent, fouettent l’air pour initier un envol maladroit jusqu’à la jeune femme. Il y a de la frustration, une énorme et intense frustration dans le regard bleu irréel de l’animal qui vient se blottir contre son amie, comme un tout petit bouclier face au monstre.

Aliénor, elle, pâle comme un linge, passe une main tremblante sur les jolies plumes tâchées de sang. Elle ne se rendra pas sans combattre. Elle ne se laissera pas faire et si Astyanax refuse de voir l’évidente agressivité de cette créature, tant pis pour lui. Elle n’a pas traversé des régions entières en solitaire sans au moins développer le minimum vital en terme de survie.

Puisqu’il semble établi que la créature est peut-être mortellement blessée, il n’y a que le temps qui permettra de rétablir un juste équilibre : Aliénor, Astyanax et Morwen, vivants. La Créature, morte. Le menton haut, le regard droit sur son ennemie séculaire, elle grommelle quelque chose à sa chouette qui hulule de plus belle avant de prendre son envol…vers le cheval.

Aliénor, elle, semble devenir une toute autre personne : lointaine, froide, dure et inflexible comme une plaque de marbre. Une faible lueur bleuâtre, à la semblance de celle qui luit dans le regard du rapace, éclaire un instant les prunelles de la blessée.

-J’ai du quitter mes foyers à cause de semblables créatures. J’ai traversé des plaines, des montagnes et des rivières, seule, pour lui échapper. Vous ne me contraindrez jamais à attendre sagement qu’elle se rétablisse pour mieux me tuer. Nous tuer. Ne vous leurrez pas, Astyanax, cette « chose » vous tuera dès qu’elle en aura l’occasion.

Sur le sac contenant les affaires de la jeune femme, la chouette fouille, à la recherche de quelque chose de précis puis l’extirpe enfin, la ramenant entre ses serres pour la déposer sur les genoux humides de la blessée qui ne quitte plus la créature du regard, et cela même si elle vient de s’écrouler au sol. Pour Aliénor, ce n’est que de la fable, une technique pour endormir la méfiance.

-Si je sors, je meurs de froid. Si je reste, j’ai une chance de me défendre. Puisque je n’ai pas d’autres choix, je vais rester ici. Avec la lame que vous m’avez donnée. Si elle bouge ne serait-ce que d’un centimètre vers moi, je l’égorge. Peu importe vos scrupules.

La petite main serre le manche de la lame, avec le peu de force qu’il lui reste. La chouette, elle, jette un regard totalement désapprobateur à Astyanax avant de venir se lover contre son alter ego humain, son miroir.

-Son nom est Le Désespoir des Ombres, grogne Aliénor, à court de souffle, blottie dans son coin, la lame levée vers la créature.-C'est ainsi que ma famille les appelait.
Le Désespoir des Ombres
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Le Désespoir des Ombres Ven 28 Avr - 7:25
Le Désespoir des Ombres
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Les entends-tu ? Les mélodies éparses que sème le vent. Les cris d'agonie de ceux qui périssent là-dehors, oubliés et ignorés. La douce terreur qui rampe, lentement, si lentement, patiemment, inéluctablement, jusqu'à tes chevilles. Les entends-tu ? Ô Désespoir des Ombres.

La Bête s'est affaissée, ses membres ont pliés sous le poids de la fatigue, son corps souffre mais c'est la Faim qui lui arrachera son dernier grognement. Elle le sait. Mais elle refuse de le lui donner. Pas encore, non, pas encore. On lui proposait une trêve. C'était bien la première fois, elle voulait en rire encore un peu. Ce n'était pas tous les jours qu'on lui offrait autant de raisons de sourire. Sa gueule animale n'en était que difficilement capable mais, s'imaginer sourire suffisait à son contentement. Une trêve pour survivre et le laisser refermer leurs blessures.

Allait-il approcher ?

Les soleils mourants du regard infernal se lèvent sur le visage du gris, oserait-il vraiment ? Stoïque créature que voilà. Si calme, si paisible, face au monstre qui les avait attaqué, face au démon qui terrorisait son amie. La fragile et fausse humaine donnait à nouveau un avertissement à son imprudent compagnon. La Chose l'avait poursuivi, sans relâche, à travers monts et forêts, champs et marais, pour la tuer. La Bête abaisse son regard sur sa proie adorée. Elle l'avait traqué. Si longtemps. Vraiment ? Elle s'interroge sans trouver de réponse certaine. Les souvenirs étaient écumes sanglantes dans sa mémoire malmenée. Ils s'échouaient parfois à la surface de sa conscience mais, le plus souvent, ils disparaissaient, avalés par un océan tumultueux. La Bête avait poursuivi bien des proies, celle-ci aussi, peut-être, sans doute ?

Elle se souvenait du goût amer de ces derniers repas mais ce qu'ils étaient, moins. Pourtant, son corps lui se souvenait, il portait les reliques de leur existence. Des trophées qui se superposaient habilement, habillant de crocs et de griffes, de fourrures et d'ombres, la Chose qui se trouvait en dessous. La délicate jeune femme s'empare d'une lame et la tourne vers son ennemie, prête à l'égorger au moindre mouvement. Le monstre fixe la frêle silhouette, elle lui plaisait. Son sang avait le parfum exquis de sa détermination. Si faible et si hargneuse, elle ressemblait à un animal acculé, dos au mur, refusant de laisser venir sa fin. Elle lui rappelait vaguement quelqu'un. La Bête ne sourit plus.

La petite chose répond à la question de l'argenté, elle lui donne un nom à la hauteur de sa monstruosité. Le Désespoir des Ombres, n'était-ce pas magnifique ? La Bête ne manque pas de petits noms, tous plus poétiques les uns que les autres, mais celui-là, elle l'aimait particulièrement. Peut-être parce que ce serait son dernier ? Le cauchemar sur pattes s'allonge, son museau canin se tourne à nouveau vers la haute silhouette de l'homme qui avait posé la question. Il essayait encore. Elle le voyait bien. Essaierait-il jusqu'au bout ? De la voir autrement que comme elle était ? Un monstre, créature informe, un danger vivant, une arme sans fourreau, un Mal non nécessaire.

Il la regarde. Pourtant il était aveugle. Incapable de voir tout ce que percevait si clairement son amie. Imprudent ou inconscient, malgré les avertissements répétés, encore et encore, par la bouche de l'innocente. Il continue de la regarder et d'attendre. Est-il si inconscient ? La créature d'obscurité ne le croit pas. Elle avait senti sa peur, la pulsation du sang dans ses veines, l'adrénaline qui parcourait son corps guerrier, elle savait qu'il était capable de l'occire. Il s'y refusait pourtant, résolument. Tant qu'elle lui donnait une raison d'espérer qu'elle était autre chose que ce que lui décrivait si justement la jeune humaine. Était-ce bien cela ?

Allait-il reculer maintenant qu'il connaissait son nom ?

Se contenterait-il de ce dernier ? Le monstre fixe toujours le chevalier servant, sa princesse le priait de terrasser son ennemie mais il ne s’exécutait pas. Le renégat finirait la tête au bout d'une pique s'il n'y prenait pas garde. La gueule monstrueuse s'ouvre lentement sur deux rangées de dents acérées à l'éclat de diamant, un grognement bas s'échappe de sa gorge, ponctué d'une note plus aiguë étonnamment comparable à un miaulement. La mâchoire démoniaque se referme mais les prunelles orangées toujours fixées sur l'homme attendent visiblement quelque chose.

Ce visage cauchemardesque ne pouvait s'exprimer autrement qu'en bruits sinistres et bestiales. Elle n'était qu'un monstre, il lui en demandait trop. Les yeux de la Bête continuent pourtant de l'observer. Elle l'avait déjà jaugé plusieurs fois, elle avait analysé tout ce qu'elle avait vu, jugeant la menace qu'il représentait mais, cette fois, elle essayait de percevoir autre chose. Ce qui n'était pas visible. Elle le regardait, comme il l'avait regardé.

Le monstre se redressait, juste assez pour donner l'impression d'être assit, quand bien même il était d'avantage soutenu par le mur humide que par ses membres. Sa patte avant droite se soulevait, le geste était lent et pesant, dévoilant à la lumière blafarde de la lune, la forme d'un avant-bas couvert de fourrure noire et, à l'articulation du poignet, d'une épaisse couche d'écailles d'un vert foncé. Ce qui aurait du être une main ressemblait à une mutation contre-nature, elle portait des coussinets félins mais ses quatre doigts avaient des articulations. Les trois premiers se terminaient par des griffes redoutables, le dernier, situé à l'arrière ressemblait à un ergot hypertrophié, assez long pour s'agripper et certainement assez solide pour ne pas laisser s'échapper quoi que ce soit.

Le Désespoir approche doucement, presque timidement, cette main monstrueuse de sa gueule infernale, ses canines s'enfoncent dans la chaire, une seconde seulement avant de ressortir, rougis. Les orbes orangées n'ont pas quitté un seul instant le visage de l'Argenté. Le sang perle sur le dos de la main que la Bête laisse retomber sur le sol, il glisse le long de son doigt alors que la griffe crisse sur la pierre, dessinant une forme simple. Un trait de sang. Entre l'elfe et le monstre.

Les entends-tu ? Les mélodies éparses que sème le vent. Les battements de ce cœur, si lents, si faibles. Est-ce celui du diable ou de l'innocente ? Le monstre te regarde, toi qui voulais voir au travers des apparences. Si pour le sauver, tu devais céder à sa Faim, approcherais-tu ? Ô Preux Renégat.

Astyanax le Gris
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Astyanax le Gris Lun 1 Mai - 3:04
Astyanax le Gris
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Sans grande surprise, la proposition de l'Errant est loin de faire l'unanimité. Les mâchoires de l'Elfe se crispent durement au hululement suraiguë de la chouette surnaturelle, tant il vrille violemment ses tympans trop sensibles pour supporter sans peine pareille stridence. Le protecteur ailé rejoint vivement Aliénor, mais que pourrait-il sous cette forme face à la redoutable créature d'Ombre ? Pas grand chose, s'il faut en juger par la terrible frustration visible dans ses prunelles d'un bleu étincelant. Quant à la jeune femme, elle se fait subitement dure et froide, à mille lieues de l'aimable humaine que le Gris a connu jusque là. Ses yeux se parent d'une lueur de même teinte que celle de son gardien qui, lui, s'empresse d'aller récupérer la dague qu'Astyanax a prêté à sa maîtresse. Comme si cette arme pouvait changer le cours des choses compte tenu de l'état de faiblesse de la jeune femme...

Elle trouve pourtant la force de mettre quelques points sur les "i" du Gris, et de lui donner sa version du nom de la créature : "Le Désespoir des Ombres". Lequel, ou laquelle, n'a pas cessé un instant de fixer le guerrier de ses prunelles orangées, jusqu'à dévoiler son impressionnante dentition au fil d'un grognement bas qu'elle achève sur un étrange miaulement. Son attention à l'égard de l'Elfe semble se faire plus insistante, soudain, comme si elle cherchait à percevoir...quoi au juste ? Ce qui se dissimule derrière le flegme apparent du Gris ? Est-ce la peur qu'elle cherche, cette terreur abjecte qu'elle doit avoir l'habitude de distiller à quiconque pose les yeux sur elle ? Ou, comme ne cesse de l'affirmer Aliénor, tente-t-elle de découvrir la faille qui lui permettra de venir à bout d'un adversaire probablement trop coriace pour elle, affaiblie comme elle est ? Ou alors, se pourrait-il qu'elle cherche simplement à savoir "qui" il est, véritablement, sous ses armures d'acier et d'apparente sérénité ?

Que veux-tu donc voir, toi dont j'ignore jusqu'au nom ? L'insondable lassitude d'un vieux vagabond, qui a perdu voilà des siècles tout ce qui faisait son monde ? Les innombrables combats, guerres, victoires et défaites qui ont jalonné tous ces siècles d'existence ? Les non moins innombrables "monstres" terrassés au gré de ses errances, dont la plupart n'avaient ni crocs, ni griffes ni plumage ? Ou peut-être voudrais-tu simplement savoir pourquoi je ne prends pas ta vie, alors que ma nouvelle amie m'adjure avec tant de ferveur de mettre un terme à ton existence ? Ne fais pas l'erreur de prendre ma retenue pour de la pitié, ou de la faiblesse. Je prendrai ta vie sans sourciller s'il le faut. Le faut-il ? Cela ne m'empêchera pas de dormir, je peux te l'assurer, mais je ne le ferai jamais qu'à contrecœur. Sais-tu pourquoi ?

Parce que j'ai compris, il y a tant et plus d'hivers, que je perdais un bout de mon âme chaque fois que je prenais une vie. Et j'en ai pris beaucoup, vois-tu. Tellement que je ne sais pas trop ce qu'il en reste, de mon âme. Se rompra-t-elle comme une vieille corde trop souvent sollicitée la prochaine fois que je tuerai ? Dans dix meurtres ? Cent ? Drôle de question, pas vrai ? Et pourtant, n'est-ce pas finalement la seule qui importe ? Parce que c'est au moment précis où on perd son âme que l'on devient un monstre, selon ma vision des choses. Deviendrai-je un monstre en prenant ta vie ? Est-ce cela qui t'es arrivé ? As-tu chassé tant de monstres que tu as fini par en devenir un toi-même ? Cette malédiction évoquée par mon amie, n'aurait-ce pas été une bénédiction ou, à tout le moins, un atout, jadis ? J'en ai connu des peuples qui étaient persuadés d'acquérir les forces de leurs ennemis tués en les mangeant, ou en buvant leur sang ; mais, contrairement à toi pour ce que je peux en juger, ce n'était pour eux qu'une vue de l'esprit.


Car le Gris ne peut manquer de remarquer à quel point l'être d'Ombre semble... dépareillé, comme si quelque savant fou avait cousu ensemble des bouts de plusieurs créatures. Cela pourrait aussi être une explication, bien sûr, comment savoir ? Et comment interpréter le trait que l'Ombre trace alors au sol, avec son propre sang, trait qui semble vouloir la relier à l'Elfe ? Veut-elle son sang ? Dans quel but ? Retrouver des forces tout en affaiblissant le seul capable de se dresser encore entre elle et sa proie ? Ou espère-t-elle trouver dans l'ichor de l'Athël-Ithri une espèce de remède à sa condition ? A moins qu'elle n'en ait simplement besoin pour survivre un moment de plus, tant il semble clair qu'elle est en passe d'agoniser... Tant de questions, et si peu de réponses...

L'esprit d'Astyanax est en ébullition, bien futilement à dire vrai car il sait qu'il n'obtiendra pas la moindre certitude, pas avant qu'il ne soit trop tard pour faire marche arrière. Sans quitter une seule seconde la créature de nuit des yeux, le Gris répond enfin à Aliénor d'une voix immuablement ferme :

"Vous seriez déjà morte, si elle avait voulu prendre votre vie. Ce n'est pas vous qu'elle chasse, si je comprends correctement ce qui se passe, mais votre compagnon ailé. Qui, soit dit sans vouloir offenser personne, ne me semble pas plus... disons, naturel, que votre ennemie. Et maintenant vous m'apprenez qu'il y en a, ou qu'il y en a eu, d'autres comme elle qui, si j'entends bien, seraient des ennemis récurrents de votre famille ?"

Les prunelles de jais quittent finalement brièvement celles de l'être d'ombre pour se river dans celles d'Aliénor :

"Qui me dit que ce n'est pas vous, votre famille, qui avez abusé de vos pouvoirs et contraint ainsi d'autres à se dresser contre vous pour survivre ? Votre ami ailé est une "arme" tout aussi redoutable que votre ennemie, capable tout aussi bien de terroriser la plupart des gens. Je ne dis pas que c'est le cas, mais c'est une possibilité que je ne puis éliminer avec le peu que j'en sais."

Les apparences étant ce qu'elles sont, la terrifiante créature de nuit se trouve bien désavantagée comparé à la jeune et jolie humaine, à l'heure de trouver un appui ; mais le Gris a trop vécu pour se fier encore aux seules apparences. Chaque seconde qui passe rapproche un peu plus les deux blessés de leur fin, l'Elfe en a pleinement conscience, mais se peut-il dilemme plus insoluble que celui auquel il est soumis ? Ramenant les yeux sur la créature d'ombre, le Gris la scrute un instant en silence puis, lentement, fait glisser sa lame hors de son fourreau. Prudemment, la lame étant affûtée comme un rasoir, il s'entaille légèrement la main gauche et s'approche de la créature de manière à ce qu'elle puisse s'abreuver du sang qui goutte entre ses doigts :

"J'ai déjà fait des choses insensées dans ma vie, mais là... pas de geste brusque, mmh ?"

Un avertissement qu'il serait vraisemblablement inconsidéré de prendre à la légère, tant il est peu probable que le Gris soit encore vraiment serein à cet instant, et clair que sa lame est parfaitement positionnée pour en finir avec la créature au moindre faux-pas, ou supposé tel.
Aliénor Parker
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Aliénor Parker Lun 1 Mai - 5:54
Aliénor Parker
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Appuyée contre le mur humide, assise sur un sol qui l’est un peu moins, Aliénor ne quitte pas un seul instant la créature des yeux, sa petite main fermement accrochée à la lame qu’Astyanax lui a donnée. Sous son bras opposé, la chouette aux yeux bleus, blottie contre son flanc sous sa cape , ne fait plus aucun bruit. Pourtant, la tension qui se propage depuis ce duo improbable est parfaitement perceptible. La jeune femme n’a rien d’une guerrière mais elle se battra jusqu’à la mort pour se défendre et défendre Morwën.

Désespoir semble se désintéresser d’elle pour l’instant, mais elle sait, elle sent, que tout cela n’est que poudre aux yeux, une pitoyable tentative afin d’attendrir le cœur du seul être en ces lieux qui ne sait rien du tout d’elle : Astyanax…qui est également le seul rempart entre elle et sa proie. Un haut le cœur de dégout la prend, alors que la créature joue une comédie parfaitement rôdée, celle de la mort imminente pour faire vibrer ce qu’elle a sans doute perçu derrière les propos sages et mesurés de l’Elfe gris : la noble corde du chevalier blanc.

Mais il est impossible qu’Astyanax soit aveugle à ce point, n’est-ce pas ? Il a voyagé, il a rencontré des centaines, des milliers peut-être, de créatures de par le monde, il devrait pouvoir lire dans le cœur et dans le regard d’Aliénor qu’elle ne ment pas, qu’elle SAIT, et dans le cœur putrescent de cette abomination faite chair, que la souffrance qu’elle expose n’est que le manteau qui drape sa haine.
Non, il ne peut pas se tromper, elle a confiance en lui, n’a-t-il pas été clairvoyant à l’auberge ?

Pourtant, au beau milieu de ces considérations silencieuses, faibles tentatives pour se rassurer, Astyanax la regarde alors…comme le faisaient tous ces gens qu’elle a croisé sur son chemin. Le doute, le soupçon, y sont parfaitement visibles et cette constatation, cette vision, est sans doute plus douloureuse que la plaie suintante qui zèbre son dos.

Comment ?

Il pense sincèrement ce qu’il dit, là ? Elle plisse un peu les yeux avant de plisser les lèvres, le regard absolument horrifié, affreusement peinée par ce qu’il vient de dire. De grosses larmes menacent à nouveau de rouler sur ses joues mais elles ne coulent pas. Seule la plainte courte et basse de Morwen lui répondra, la gorge de la jeune femme est bien trop serrée pour dire le moindre mot.

Fuir sa maison a été le premier instinct de survie d’une très longue liste de décisions difficiles.

Elle se revoit, après avoir été cueillir des plantes et des champignons, dans l’allée qui menait à sa maison. Elle revoit la lourde porte de chêne totalement défoncée, ne tenant plus qu’à une seule charnière tâchée de sang. Elle revoit toute sa famille au sol, égorgée…Son petit frère, éventré, le cœur dévoré. Sa mère, roulée en boule dans un coin, protégeant de son corps le dernier né de la famille, le dos réduit à une masse informe de laquelle les os étaient extirpés…Son père, son papa, éventré lui aussi, le cœur disparu, la bouche ouverte en un dernier cri d’agonie figé pour toujours.

Elle a contemplé la scène comme elle contemple Astyanax en cet instant, totalement perdue, le cœur en miettes. Et comme ce jour-là, c’est le cri de Morwën qui l’extirpe de sa contemplation stupéfaite.

Elle reporte son attention sur la créature : ce jour-là, elle en a vu trois disparaître au loin, derrière les arbres de la propriété, elle les a vu, tout comme elle a vu les traces de pattes étranges dans les flaques de sang coagulé, les poils arrachés par touffes entières, serrées entre les doigts raidis de son père.

Ils allaient sans doute revenir. Elle ne pouvait pas rester là. Alors elle est partie, aussi vite qu’elle a pu, aussi loin que ses jambes pouvaient le lui permettre, en emportant ce qui lui semblait important sur l’instant : des souvenirs. Un petit jouet de bois. Des herbes. D’autres talismans. Pas d’argent…

Alors…quand Astyanax laisse sous-entendre que les méchants, ce sont peut-être les membres de sa famille…Qu’ils auraient peut-être abusé de leurs pouvoirs…alors que c’est ce que recherchent précisément ces créatures…leur magie, l’essence même de ce qu’ils sont, tout comme le sang de leur compagnon de toujours, les Chimères du Levant…

Elle regarde ailleurs, vers la sortie, couverte de poudre blanche. C’est trop odieux de suggérer cela. Si elle était comme il le décrit, elle aurait sans doute abusé elle aussi de ses facultés hors normes pour vivre comme une reine, au lieu de trainer les genoux au sol pour laver des planchers, préparer des repas, vivre comme une pauvresse et parfois se vendre pour ne serait-ce qu’avoir la paix ou un morceau de pain noir à manger…Morwën est son amie, depuis sa naissance…mais ça, Astyanax ne le sait pas, il n’en sait rien, parce qu’elle n’a pas eu le temps de le lui dire, parce que ce n’était jamais le bon moment, parce qu’elle avait toujours une réticence à partager sa vie, la crainte qu’il ne la regarde comme la fait l’épouse du marchand, comme tous ceux qui ont compris ce qu’elle est : comme un monstre, comme une menteuse, comme une personne indigne de confiance. Ce soir, elle se félicite de ne pas l’avoir fait, en réalité, alors que les plaies sur son corps pulsent au même rythme effréné que son cœur.

Aliénor ne répond rien à ce que dit l’Elfe. Morwën, elle, se glisse bien plus encore sous la cape, autant pour rechercher la chaleur que pour vérifier l’état des blessures de son amie. La créature sait que la jeune femme a vécu bien pire il y a quelques mois, une plainte douce suivie d’un mouvement de réconfort se fait entendre sous le tissu. La jeune femme ne lâche pas sa lame, elle déglutit fort, elle inspire tout aussi fort, muette comme une tombe.

Le bruit de la lame qui cisaille la chair de l’Elfe la rappelle à nouveau à une impérieuse priorité : se protéger. Vite.

Astyanax a fait son choix. Il vient de proposer son sang à l’ennemi pour le remettre sur pied, malgré toutes ses mises en garde. Il n’y a malheureusement plus rien à faire. Elle serre très fort Morwën contre elle, la main serrée sur le manche de son arme et s’éloigne en glissant sur le sol, aussi loin que possible de la créature et de l’Elfe. Elle ne se laissera pas abattre dans une grotte, loin de tout, pas après des mois de cavale pour sauver sa peau et tenter de gagner en puissance.

Désespoir va reprendre des forces, grâce à ce sang. Elle va s’en prendre à tous ceux qui seront sur son chemin, alors Aliénor caresse la tête de la chouette, en tremblant plus fort. Elle murmure à la hâte quelques petites paroles sous la cape, alors que de flocons de neige provenant de l’extérieur s’accrochent ici et là sur le tissu épais de sa cape :

-Va t’en…Je t’en supplie…Je ne vais pas pouvoir le retenir longtemps…Repars vers le Levant, rejoins la Prairie…Morwën…S’il te plaît…
Le Désespoir des Ombres
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Le Désespoir des Ombres Lun 1 Mai - 10:40
Le Désespoir des Ombres
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Il approcherait. Décevant son amie peut-être autant qu'il surprenait la créature d'ombres. Il refusait de ne croire que ses yeux ou les mots pourtant teintés de vérité de sa fragile compagne. Sa lame au clair, il faisait un pari. Celui de suivre son instinct. À moins que ses nobles principes n'aient aveuglé son instinct de survie. À moins que la Bête n'ait été que subterfuges et comédie dramatique. À moins qu'il ne se repose trop aisément sur ses talents de bretteurs, certain d'être supérieur sans connaître son adversaire. Les ombres semblent s'épaissir alors qu'il approche, des rubis roulant sur la paume de sa main ouverte.

Le Désespoir attend patiemment, seulement en apparence. Le parfum l'enveloppe, tendant ses bras ensorcelant autour de sa nuque, la folie meurtrière se pend à son cou, murmurant à son oreille qu'elle pouvait se nourrir maintenant. Qu'importe la lame tant que ses crocs perçaient la chair. Elle pourrait enfin assouvir sa Faim, totalement. Oui mais, pour combien de temps ? Combien de jours, de semaines, avant qu'elle ne revienne, plus forte encore, plus dévastatrice. Combien de mois avant qu'elle ne retrouve les morceaux éparses d'une fébrile lucidité ?

Il tend sa main et le monstre redresse sa gueule effroyable, il fait un pas, lent et mesuré, prudent et pourtant légèrement tremblant, d'excitation retenue, de frénésie difficilement contenue. Son museau se lève, sa mâchoire s'ouvre sur les sept enfers, faussement calme. Un rubis tombe. D'un ciel inquiet, peut-être pas assez, alors que l'Innocente quitte l'abri de la grotte, le joyau décrit un trait rougeoyant dans l'air avant de disparaitre.

Un frisson remonte le long de sa colonne vertébrale et ses griffes s'enfoncent dans le sol de pierre comme dans de la terre meuble. Elle résiste et elle succombe. Créature de cauchemar prise au piège entre ses désirs et sa volonté. Elle veut le dévorer. Elle le veut si fort. Le sang continue de tomber et elle veut se saisir de cette main. La mordre à pleine dents comme d'autres croqueraient dans une pomme. Pourtant, elle résiste à ce que certains appelleraient sa véritable nature.

Car le sang est celui de l'elfe. Il porte ses batailles, ses victoires, ses défaites, sa lassitude, sa solitude, comme autant d'arômes. Avalé par l'Assoiffée, il délivre un mélange complexe de tout ce qui fait l'être auquel il appartenait. Les images d'un passé qui ne serait jamais sien se mélangent au goût exquis qui enivre ses sens. Des bribes de souvenirs, des émotions vivifiantes, bien plus complexes que celles de ces derniers véritables repas. Son humanité, ses doutes, ses joies évanescentes, sa noble curiosité, s'entrelacent alors que le monstre les dévorent avec appétit. Ils tissent un nouveau canevas dans l'esprit malmené, recouvrant les précédents, bien plus chaotiques, bien moins humains. Des fils rouges qui se tendent vers les différents lambeaux d'une âme damnée, essayant, courageusement, de les faire tenir ensemble, une nouvelle fois.

L'ambre surnaturelle de ses prunelles affamées tourne progressivement au rouge vif, à mesure que le sang s'échappe de l'elfe. La blessure sur sa cuisse se referme lentement, juste assez pour cesser de répandre son fluide vital. Oscillant entre la féroce envie de se jeter sur lui, maintenant qu'elle était à peu près remise, et le désir grandissant de continuer à être maîtresse d'elle-même, la créature tremble comme une feuille prise en plein ouragan, ses griffes profondément ancrées dans le sol. Elle ferme les yeux, vulnérable comme un louveteau forcé de se tenir loin des mamelles de sa mère.

Lorsque le sang se tari, la créature rouvre ses paupières sur un regard vermillon, elle fixe la main qui la nourrissait. On ne mord pas cette main là, dit-on ? Elle n'hésite pas. Ses yeux se tournent vers le visage de l'elfe, exprimant une reconnaissance qu'aliénerait sans doute son apparence. Son poil commençait déjà à s'éclaircir alors qu'elle reculait d'un pas en arrière. Bientôt, le sang de l'elfe serait, à l'instar de tout ce qui avait nourri la créature, le déclencheur d'une transformation corporelle.

Son museau démoniaque se tournait vers l'entrée de la grotte, la silhouette de celle qui se désignait comme sa proie et son ennemie, affrontait les bourrasques neigeuses. Le Désespoir pouvait sentir sa peur même à cette distance. Son regard retourne à l'elfe puis s'abaisse, impuissant. La créature monstrueuse se détourne, faisant demi-tour, elle retourne se coucher au fond de la grotte.

Dans l'obscurité, ses yeux rouge fixent encore son repas. Ce qu'elle aimerait planter ses crocs dans son cou. Elle ne s'était pas trompé sur son compte. Il était délicieux. Un précieux millésime. Pourtant, maintenant qu'elle se sentait assez forte pour le combattre, elle n'en avait plus envie. Maintenant que la Faim était sustenter, le monstre était libéré de son emprise, au moins pour un temps. Ou bien était-ce les bonnes intentions de l'elfe que son sang lui avait transmis ?

Bardée de fils rouge, l'âme en charpie recousait peu à peu le linceul de sa conscience. Ses mains délicates se tendaient, enlaçant le monstre indécis qu'elle était devenue. Son regard s'égarait vers l'entrée. Était-elle vraiment le Désespoir de cette enfant ? Elle n'en était plus si certaine. Ses prunelles infernales descendaient sur ses mains couvertes d'écailles et de fourrure obscure. Peut-être les avait-elle dévoré ? Ses créatures prédatrices assoiffées de magie lui ressemblaient, oui. Pourtant, elle n'avait pas pu s'en prendre à son adorable proie. Aussi délicat soit le parfum de son sang, aussi grande ait été sa faim, aussi proche fut sa fin. Elle avait été incapable de plonger ses crocs dans sa tendre nuque. Si elle avait décimé sa famille, adultes comme enfants, pourquoi se refuser de goûter à cette rescapée ?

La Bête du Servongan, le Désespoir des Ombre, le monstre. Elle était tout cela. Sans doute. Tout cela et plus encore. Sous ses yeux, ses griffes se rétractaient, les écailles se résorbaient, le pelage tombait. La créature d'ombres, le Dévoreur, le cauchemar. Elle était tout cela. Ou elle les avait tous dévorer. Un par un, ils étaient devenus une part d'elle. Pour la rendre plus puissante, plus redoutable, plus monstrueuse. Et maintenant ?

Sa main se lève dans la pâle lueur des champignons luminescent. Blanche et fragile. Quel nom lui donnera-t-on cette fois ?
Astyanax le Gris
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Astyanax le Gris Jeu 4 Mai - 1:23
Astyanax le Gris
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Ce que la jeune femme comprend des paroles du Gris, il n'en sait rien ; mais il voit l'amertume abyssale, la déception immense, dans les prunelles marron rivées aux siennes. Cela ne change rien, pourtant. Peut-on reprendre des paroles une fois qu'elles ont été prononcées ? Peut-être, sans doute même, aurait-il dû s'exprimer autrement, choisir ses mots plus soigneusement afin de ménager Aliénor. Mais il ne l'a pas fait. Il ne l'a pas pu, il n'a pas su, et les mots ont été dits, lancés comme des flèches sur lesquelles il n'a plus aucun pouvoir d'action. Et puis, il a déterminé sa voie, déjà : il a choisi l'espoir, si mince soit-il, plutôt que le glacial et définitif jugement de l'acier. Peut-être est-ce une erreur. Peut-être que cette décision lui coûtera la vie ; bien pire encore, peut-être coûtera-t-elle la vie d'Aliénor, et celle de son étrange amie ailée.

Mais peut-être ce choix est-il juste. Peut-être permettra-t-il d'épargner leurs vies à tous trois. Et puis, quant bien même cela échouerait, il reste l'acier. Ce métal-étoile qui désignait jadis son clan, sa vie et ses principes. Un simple symbole, pourrait-on penser, inutile reliquat d'un temps échu, d'une magie consumée depuis si longtemps que nul en ces terres ne saurait seulement s'en souvenir. Et pourtant...

Le Gris a toutes les peines du monde à réprimer un frisson en découvrant la faim terrible qui hante les prunelles sanglantes de l'être de nuit alors qu'il approche sa main ensanglantée de la gueule cauchemardesque. Il sent confusément l'impossible lutte intérieure de la créature en la voyant frémir de tout son être, planter ses griffes surnaturelles dans la roche comme s'il s'agissait d'une vulgaire motte de beurre. Sera-t-il assez rapide, si finalement la créature décidait de s'en prendre à lui ? Il l'ignore. Mais cela non plus ne change rien. Les dés sont jetés, pour le meilleur ou pour le pire.

Il entend les pas légers d'Aliénor lorsqu'elle quitte la caverne, mais il ne peut rien pour la retenir, pas maintenant. Une seconde d'inattention à cet instant précis, alors que le Désespoir des Ombres ingurgite avidement son sang, que ses plaies se referment à une allure étourdissante, il n'en faudrait certainement pas plus pour rompre le minuscule fil tout effiloché auquel tient la vie de l'Errant.

Le flot nourricier ne tarde pas à se tarir, le Gris ayant pris soin de ne pas s'entailler trop profondément, et la créature ouvre à nouveau les yeux qu'elle a brièvement fermé. Son regard a changé, non seulement de teinte mais aussi... d'intention ? Son pelage semble s'éclaircir tandis qu'elle recule un peu dans l'abri, comme pour se soustraire à la vue, ou à la lame, de l'Elfe qui ramène lentement sa main blessée à lui. Puis, après un regard en direction de la jeune femme qui s'éloigne de la cavité, regard qui se baisse ensuite étrangement, comme pour témoigner de son impuissance à changer le cours des choses, l'être d'ombre retourne se coucher au fond de l'abri.

Les prunelles du Gris, qui ne cillent que bien trop rarement de l'avis des humains, demeurent infailliblement rivé sur la créature, puis dans les deux brasiers qui ne tardent pas à le scruter à nouveau, dangereusement changeants. Va-t-elle bondir soudain sur lui, maintenant qu'elle a retrouvé quelques forces ? Le Gris retient son souffle, ses doigts resserrent leur emprise sur son arme tandis qu'il rectifie imperceptiblement son équilibre pour être en mesure de parer à toute éventualité.

Quelques secondes s'écoulent, longues comme des jours, pesantes comme des montagnes. Le silence, ou presque car, dehors, Aliénor murmure quelque chose que même l'ouïe perçante de l'Elfe ne peut entièrement percevoir. Il entend en revanche parfaitement le bruissement du vent dans les feuillages, le chuchotis du ruisseau, tous sons très légèrement étouffés, comme ouatés, par la neige qui s'est mise à tomber. Mais ces informations ne font qu'effleurer l'esprit du Gris qui attend avec appréhension le dénouement de sa folle tentative.

Et puis, soudain, la créature commence à changer, sous les yeux teintés d'incrédulité autant que d'inquiétude, du Gris. Va-t-elle devenir plus terrifiante, plus meurtrière encore après s'être approprié les atouts du guerrier ? Il ne voit pas les détails de ce qui se passe, la pénombre étant trop complète, mais il serait difficile de manquer la main fine, pâle comme la neige, qui se lève finalement en lieu et place de la patte aux terribles griffes qui terminait ses membres quelques instants plus tôt. Cela signifie-t-il que tout danger est écarté ? L'Elfe, perplexe, se garde bien de s'en convaincre, la vie lui ayant appris que les tueurs les plus redoutables sont presque toujours ceux que l'on n'aurait pas idée de soupçonner. Incertitude, encore, alors qu'il en est réduit à de bancales suppositions. Ses espoirs pourraient l'aveugler, causer sa perte, leur perte, il en a parfaitement conscience. Mais l'inaction, l'attente, pourraient tout aussi bien s'avérer fatales, pour ce qu'il en sait ; alors le marcheur Gris suit son instinct, comme tant de fois auparavant, faute de meilleur guide.

La lame acérée regagne fluidement son fourreau, puis l'Elfe s'avance rapidement pour presser délicatement de sa dextre libérée cette fine main tendue :

"Courage, ça va aller ! Je reviens dans un instant avec une couverture et de quoi faire un feu. Accrochez-vous et restez avec moi !"

Il presse brièvement la fine main, tout en s'efforçant de distinguer celle qu'est devenue le "Désespoir des Ombres", puis avale la distance qui le sépare de l'entrée de la grotte en quelques longues enjambées pressées pour lancer d'une voix qui a couvert le fracas de plus d'un champ de bataille par le passé :

"Aliénor ! Morwën ! Je ne devrais pas vous juger d'après ce que l'on dit de vous, mais vous me demandez de tuer sur la seule foi de vos paroles alors que je ne sais rien de vous ? Vous me demandez une confiance aveugle, mais quelle confiance m'accordez-vous en fuyant ainsi alors même que je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour vous aider ?! Est-ce cela, votre idée de l'amitié ? Du partage ? Et bien soit, mais par tous vos dieux venez au moins cherchez vos habits, ça vous évitera de crever de froid dans ces fichus bois ! Et pas la peine de courir, il n'y a plus de créature dans cette grotte !"


Ayant dit, le Gris se met en demeure de récupérer prestement du bois pour allumer un feu et une épaisse couverture dans ses bagages. S'il a pris tous les risques pour empêcher un carnage cette nuit, ce n'est certainement pas pour laisser quiconque geler vif par cette nuit glaciale...
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Contenu sponsorisé
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