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Panique à la Taverne du Chat qui miaule !

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Astyanax le Gris
Message  Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Astyanax le Gris Jeu 15 Déc - 0:42
Astyanax le Gris
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C'était une soirée comme les autres, dans l'estaminet "Au chat qui miaule". Le vieux Rodolphe fumait sa pipe près de l'âtre, tandis que Marcel, l'aubergiste, astiquait pour la centième fois de la soirée son comptoir usé jusqu'à la trame. Son épouse, Berthilde, s'affairait pesamment dans la salle, non sans faire remarquer à qui voulait l'entendre que c'était bien mieux de son temps. Force était aux quelques clients épars d'écouter, et avec une attention quasi religieuse encore, la patronne, sous peine d'être privés de bière.

C'était vraiment une soirée comme les autres, dans l'estaminet "Au chat qui miaule", et à l'instant où la porte s'ouvrit, à quelques minutes de la fermeture, nul dans la salle n'aurait pu imaginer qu'elle puisse se terminer autrement qu'elle avait commencé. Mais la porte s'ouvrit et, soudain, le silence se fit ; les mirettes s'écarquillèrent, les mâchoires firent de leur mieux pour obéir aux lois de la pesanteur, et Berthilde s'exclama :

"Ha ! Vous voyez ?! Je vous l'avait dit, de mon temps ça n'arrivait jamais, ce genre de chose."

Il fallait bien reconnaître que le nouvel arrivant ne ressemblait en rien aux gens du cru, ni même à ceux des régions environnantes. Sa peau couleur de vieil argent, sa taille inhabituelle en ces contrées et, plus que tout le reste, ses longues oreilles pointues, le désignaient d'emblée comme un étranger, et non le moindre puisque, de mémoire de Bruggeois, on n'avait jamais seulement aperçu pareille créature. Quant à lui asséner quelques quolibets, non, les braves gens d'ici étaient fort raisonnables : la créature était revêtue d'une solide armure d'écailles d'acier et arborait sans ostentation une longue épée d'aspect bien plus antique encore que le vieux Rodolphe.

"On a p'u d'place et on va fermer", précisa Marcel d'une voix pas tout à fait aussi assurée qu'il l'aurait voulu.

L'Elfe Gris lui retourna un sourire entendu dans lequel un observateur attentif aurait pu remarquer une profonde lassitude, avant de lui répondre d'un ton aimable :

"Naturellement. Seulement, comme vous êtes à n'en pas douter un homme avisé, vous ne manquerez pas de profiter de cette aubaine pour vous enrichir quelque peu."

Ayant dit, l'Elfe lui lança adroitement une lourde pièce d'argent... qui disparut comme par enchantement sitôt que Marcel l'eut mordue pour s'assurer qu'elle était de bon aloi. Même la brave Berthilde n'y trouva dès lors plus rien à redire ; sans râler jusqu'au matin qu'elle travaillerait, pour empocher telle somme, oh ça oui ! Et puis...

"Vous venez pour chasser le monstre", lui demanda-t-elle avec espoir ? Non qu'elle eut quoi que ce soit à faire de cette bestiole, oh ça non, jamais elle ne s'aventurerait jusqu "Au chat qui miaule", mais quelle revanche elle pourrait prendre sur cette vieille fouine acariâtre de Joséphine, qui avait été la première à apercevoir le fils du bourgmestre du Moulin de Pierre ! Ha, une semaine durant qu'elle s'en était vantée, qu'elle s'était rengorgée comme une pintade, qu'elle avait rabâché et ressassé le sujet ! Mais alors là, une oreille-pointue en ville, venue chasser le monstre qui terrifiait la région depuis des semaines, c'était d'une toute autre envergure et...

"Non."

La vieille Berthilde s'en trouva bouche bée, coupée si net, si absolument par ce "non" catégorique et définitif qu'elle manqua choir sur son séant. Comment ? Mais voyons donc !? S'il n'était pas là pour le monstre, alors pourquoi ? Tandis que déjà des nouvelles questions assaillaient ses lèvres, elle croisa le regard dérangeant de l'Elfe et préféra les ravaler tout en songeant par devers elle que ce client-là n'était pas commode, tout poli et généreux qu'il se fût montré jusque là.

"Auriez-vous l'amabilité de m'apporter un repas et du vin, je vous prie ? La route a été longue et morne..."

"Pour sûr, messire, pour sûr" s'empressa Berthilde, soudain très désireuse de s'éloigner de cet oiseau de mauvais augure.

L'Elfe parcourut la salle du regard, sans s'attarder plus d'un très court instant sur chaque personne présente, puis alla s'installer à une table libre de manière à avoir une vue d'ensemble de la salle et un mur dans le dos. Une fois son épée religieusement déposée à portée de main, il s'autorisa un soupir de soulagement et lâcha à mi-voix, se parlant sans doute à lui-même :

"Je cherche une porte, ma bonne dame, ainsi que je l'ai dit à votre grand-mère il n'y a pas longtemps..."
Aliénor Parker
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Aliénor Parker Sam 17 Déc - 12:27
Aliénor Parker
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La porte de l’arrière-cuisine s’ouvre et révèle une Berthilde au souffle court d’avoir forcé le pas.

- Hey, la brodeuse ! Y a du travail pour toi !, s’exclame-t-elle dédaigneusement à l’adresse d’une frêle silhouette debout près du grand âtre.

Une paire d’yeux marron accroche le regard de la tenancière.

- Vous aviez dit que je pourrais manger quelque chose après avoir servi vos clients…, murmure une voix douce et tendre, de sous un châle de laine en mauvais état et tâché de graisse. Et de fait, devant le grand âtre, près des braises rougeoyantes trône une poêle en fonte noire dans laquelle rissole un peu d’œuf et quelques restes de légumes. A côté, une espèce de cafetière étrange de laquelle s’échappe une odeur douce amère, un fond de boisson noire à l’effet réconfortant. J’ai pris soin de ne prendre que ce que les clients n’ont pas mangé, Madame…j'ai rien pris des réserves, dit la voix un ton encore plus bas en remarquant le regard que la tenancière pose sur le tout petit repas qui cuit là.

Berthilde pose ses poings sur ses hanches, son menton garni de trois poils noirs s’agitant soudain. Un frisson secoue le châle de la frêle créature qui triture ses mains nerveusement.

- Un client vient d’arriver, c’est sa faute, pas la mienne. Puis c’est un comme qu’t’aime. Un qui vient de loin avec des oreilles en pointe, ricane la grosse dame en s’essuyant les mains sur son tablier. Prépare lui quelque chose, dépêche toi.

Berthilde revient dans la salle principale, abandonnant la créature devant l’âtre. Un soupir de résignation lui échappe tandis qu’elle déplace la poêle pour laisser la place à d’autres ustensiles. Tant pis, elle mangera plus tard. Une paire de mains fines et douces s’extirpent du châle pour s’emparer de quelques beaux légumes tendres, de deux ou trois tranches de lard et d’œufs frais du matin.

Accroupie devant le feu, la paire de mains s’affaire durant quelques minutes avant de dresser le tout dans un grand bol de bois foncé. Il y a de beaux morceaux de légumes juteux, deux grands œufs sur lesquels sont rapidement déposées des épices merveilleuses, les tranches de lard cuites juste comme il faut et une belle tranche de pain gris. Elle dépose le tout sur un petit plateau puis se dirige vers une marmite de laquelle elle extirpe une grande louche remplie de potage bien chaud. Son ventre gargouille terriblement à sentir ces odeurs fabuleuses alors elle se dépêche de verser la soupe dans un autre bol, plus petit, dans lequel elle jette quelques morceaux de croutons aux épices. Elle prend un soin infini à disposer les choses, de manière à ce que ce soit appétissant puis elle resserre le long châle autour de sa taille menue, dissimulant ses cheveux sous la laine marron.

Elle s’empare du plateau puis ouvre la porte menant à la salle principale d’un mouvement des hanches, avant de chercher du regard le nouveau client. Il n’est pas bien difficile à trouver et les deux grands yeux marrons luisent soudain d’un éclat nouveau.

- La Brodeuse ! L’client, il a faim !, gronde Berthilde à son comptoir, occupée à lustrer les verres, d’un air mécontent.

Elle ne répond rien, elle rentre juste la tête dans ses épaules puis avance rapidement, comme une ombre, jusqu’à la table du nouveau venu. Elle dépose le tout avec d’infinies précautions et murmure un tout petit :

- Je vous souhaite un bon appétit Monsieur, j’espère que ça vous plaira…

Ce n’est qu’un murmure, il ne peut pas percevoir grand-chose de la créature qui lui apporte à manger mais il pourra au moins voir les grands yeux marron, un petit nez délicat, un visage doux, et un sourire timide.
Astyanax le Gris
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Astyanax le Gris Dim 18 Déc - 19:47
Astyanax le Gris
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Comme souvent lorsqu'il avait à fréquenter les humains, l'Elfe songea à quel point il aurait été agréable d'être dur d'oreille. Mais pour son malheur, du moins en la présente circonstance, il était capable d'entendre une feuille tomber à plus de dix pas ; aussi ne manqua-t-il pas grand chose de l'échange qui se déroula en cuisine, d'autant plus que lesdites oreilles en pointe avaient la fâcheuse habitude de se tourner, comme animées d'une vie et d'une volonté propres, en direction des bruits perçus.

De ses prunelles d'onyx il observa, sans s'en cacher ne serait-ce qu'un peu, la jeune humaine que la tenancière surnommait "Brodeuse" lorsqu'elle s'avança dans la salle, chargée de victuailles fort appétissantes. Un infime froncement de sourcils accueillit l'admonestation de la corpulente aubergiste, qu'il fixa brièvement d'un indéfinissable regard avant de ramener son attention sur l'humaine d'aspect miséreux qui lui souhaitait bon appétit d'un murmure ténu. Avant qu'elle n'ait seulement le temps d'esquisser un quelconque recul, l'Elfe désigna la chaise libre face à lui en répondant d'un ton songeur :

"Partagez donc mon repas, Dame, si le coeur vous en dit."

Un sourire, discret mais amical, souligna la proposition tandis qu'il indiquait d'une main ouverte les places disponibles à la table qu'il occupait.

"Il y a assurément assez de nourriture dans cette auberge pour sustenter deux affamés. Me trompé-je bonne Dame" interrogea-t-il aimablement Berthilde ?

"Pour sûr messire, pour sûr..", soupira-t-elle sans conviction en se dirigeant poussivement vers la cuisine.

L'Elfe reposa son sombre regard sur la jeune femme et ajouta avec un haussement d'épaules :

"Je ne comprendrai jamais les moeurs de votre peuple, je suppose. Mais allons, vous êtes affamée, mangez donc. Nous parlerons après, si tant est que vous le souhaitiez."

Il poussa en direction de la jeune femme les appétissants bols qu'elle lui avait amené quelques instants auparavant.
Aliénor Parker
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Aliénor Parker Lun 19 Déc - 12:18
Aliénor Parker
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Un grand frisson parcourt la jeune femme qui serre le châle un peu plus près de son corps avant de jeter un regard plein d’angoisse sur Berthilde qui s’en va. L’invitation n’a pas l’air de déplaire à la grosse dame, elle s’éloigne même, et pourtant la peur est visible dans l’attitude de l’humaine qui se tient là. Une détresse, la détresse des personnes prises entre deux feux et qui ne savent pas quoi faire.

Elle est ici uniquement pour faire la cuisine, laver les bols et laver le sol quand il n’y a plus personne. En échange, elle a le droit de manger ce que les clients n’ont pas voulu, ce qu’il reste dans les assiettes et sur les plateaux, en plus d’une pièce par jour. C’était ce qui a été convenu quand elle est arrivée ici il y a quelques semaines, alors qu’elle cherchait du travail et un endroit pour dormir. Cela n’empêche pas Berthilde d’être quotidiennement désagréable à son endroit alors qu’elle effectue toujours ses tâches, prenant un soin infini à les accomplir de manière à ce que l’on soit content d’elle. Comment, dès lors, va réagir Berthilde une fois que le client sera parti ?

- Je…

Pourtant, son estomac répond pour elle en un affreux gargouillis peu élégant qui achève de la mettre mal à l’aise. Un rouge vif s’affiche sur le doux visage. Elle a très faim, oui, et l’odeur merveilleuse du pain…Elle finit par s’asseoir, juste à côté de l’Elfe, émue tout autant par la charité du geste que par sa propre misère qu’elle ne parvient même plus à cacher.

- Soyez béni…, murmure-t-elle en tendant ses doigts fins vers le bol de soupe qu’elle ramène lentement près d’elle.

Elle prend le temps de savourer ce moment-là, incertaine quant à son prochain vrai repas. La chaleur douce du liquide diffusée par le petit récipient de bois réchauffe ses doigts, les colore d’un joli rose. Elle inspire le délicat fumet, de sous son châle et ajoute encore :

- Vous devriez manger, tant que c’est chaud…Les œufs refroidissent vite.

Tête rentrée dans les épaules, elle plonge une cuillère de bois dans le bol et commence à manger sans s’apercevoir que toute la salle les observe. De la surprise, de l’étonnement, quelques murmures, puis le retour de Berthilde qui la regarde manger, presque recroquevillée sur sa chaise…Elle ne perçoit rien, toute occupée à boire le potage, les quelques croutons délicieux cédant sous ses dents. Après quelques cuillerées, un sourire vaste, magnifique, s’affiche sur le visage de la jeune femme, un sourire qu’elle partage avec son bienfaiteur :

- Je m’appelle Aliénor…Et…vous ? Comment vous vous appelez ?
Astyanax le Gris
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Astyanax le Gris Ven 23 Déc - 16:01
Astyanax le Gris
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La jeune humaine, c'était flagrant, crevait de trouille. La cause de sa peur semblait tout aussi évidente, à en juger par le regard anxieux qu'elle jeta à Berthilde alors que cette dernière s'éloignait de mauvaise grâce. Malgré tout, son estomac lui fit part de ses priorités de manière sonore, ce qui, après une dernière hésitation, lui fit timidement tendre les doigts vers le bol de soupe. L'Elfe lui adressa un sourire tranquille, qu'elle ne vit probablement pas, lorsqu'elle se mit à manger. Lorsqu'elle s'inquiéta des oeufs qui refroidissaient, il secoua négativement la tête et poussa délicatement l'assiette dans sa direction :

"Ce repas-là est pour vous. Le mien arrive dans quelques instants."

Il souligna cette dernière information en désignant du menton la cuisine, où Berthilde s'affairait poussivement. Puis, tandis que la jeune humaine se plongeait corps et âme dans son repas, l'Elfe examina les lieux et détailla brièvement les divers clients ; les ragots iraient bon train, s'il fallait en croire la surprise visible sur quelques visages et le bruissement de murmures se voulant cachotteries ou, souvent, simple gêne.

Cela ne dérangeait pas le Gris, qui percevait la plupart des propos échangés sans y réagir ; ce qu'il redoutait de voir dans les yeux, et d'entendre dans de sifflants chuchotis, c'était la peur. Peur de l'inconnu, de l'étrange, du différent... la haine était alors si proche qu'il n'y avait besoin que d'une étincelle pour que la situation s'embrase. Mais rien de tel ici, pour l'heure, aussi reporta-t-il son attention sur Berthilde lorsqu'elle lui apporta finalement un repas et le vin demandé plus tôt, puis sur la jeune femme qui le surprit soudain en levant les yeux vers lui avec un sourire rayonnant. L'Elfe inclina légèrement la tête lorsqu'elle se présenta sous le nom d'Aliénor, puis répondit à sa question :

"J'ai pour nom Astyanax. Mais les humains me connaissent davantage sous le surnom qu'ils m'ont attribué : Le Gris."


Ce sobriquet semblait fort amuser l'Elfe, à en juger par le pétillement de ses prunelles et le petit sourire qui soulignaient ses propos. Il n'en demeurait pas moins que ce surnom était associé à une certaine notoriété sur les terres humaines, notamment chez les riches marchands qui le payaient grassement pour escorter leurs plus précieuses marchandises. Parmi les brigands et autres détrousseurs de grand chemin, nombreux étaient ceux qui préféraient éviter de s'en prendre aux convois sur lesquels il veillait, assurés qu'ils étaient d'avoir à faire face à une escorte solidement organisée et compétente. En dehors de ces milieux, fort rares étaient ceux qui avaient seulement connaissance de l'existence de l'Elfe, ce qui lui convenait très bien.

"A propos de surnom, pourquoi l'aubergiste vous a-t-elle appelée "la brodeuse" ? Serait-ce votre métier ?"

Visiblement intrigué, il dégusta une gorgée de vin, dont il salua la qualité d'un petit claquement de langue approbateur, avant de lever la bouteille en direction de la jeune humaine afin de lui en proposer.





Aliénor Parker
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Aliénor Parker Mer 28 Déc - 17:50
Aliénor Parker
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La nourriture chaude et douce, les épices piquantes, pleines de saveurs, le velouté des légumes fondant sur la langue…Plus les aliments glissent dans sa gorge, plus la cadence cuillère-bol-bouche accélère. Elle meurt littéralement de faim et désormais elle entoure son bol de son propre bras extirpé de sous le châle miteux. L’avant-bras découvert affiche un enchevêtrement de fines bandelettes qui ont connu de meilleurs jours, le tissu est tâché ici et là, auréolé de substances indéfinies. De la crasse, peut-être de la graisse de cuisine…Quoiqu’il en soit, la faim ayant une absolue priorité sur l’esthétique, Aliénor mange tout en se fichant éperdument de l’apparence qui est la sienne.

Lorsque Berthilde revient à la table pour apporter le repas du Gris, la Brodeuse serre un peu plus son bras sur le bol et rentre la tête dans ses épaules, la bouche pleine de soupe aux croûtons. Elle attendra que la tenancière s’éloigne pour la suivre des yeux, craintive et timide, avant de répondre après une seconde de silence hésitant :

- Je préfère Astyanax. C’est joli, dit-elle en s’emparant d’un pain qu’elle déchire en deux avant d’en plonger une moitié dans l’œuf déjà tiédi, préférant soudain ne pas trop regarder l’Elfe.

Si Astyanax n’évoque rien à la jeune femme, il n’en va pas de même du « Gris ». Et elle se concentre soudain vraiment très fort sur son assiette, préférant répondre à la question qui concerne son sobriquet…avant de s’apercevoir que là aussi, la question génère une tension visible dans le creux de son dos. Elle pose le petit bout de pain sur la table, mâchant avec un peu plus de retenue maintenant que la faim est apaisée, refusant d’un geste poli de la tête le vin proposé par son bienfaiteur du jour.

- ça les amuse de m’appeler comme ça…parce que je fais les petites choses qui ne servent à rien de manière excellente…et que l’essentiel je le fais toujours de travers…

Aliénor lève un regard un peu craintif vers l’Elfe.

- Quand je suis arrivée ici, j’ai cherché de quoi me rendre utile…J’ai trouvé une opportunité dans cette auberge, murmure-t-elle en regardant soudain le reste de la salle, à la recherche d’une éventuelle oreille qui traine ou d’un regard insistant. J’ai taillé une rose dans une carotte…et j’ai fait de la dentelle de pain…C’était très joli…Enfin moi je trouve ça très joli…mais…Berthilde…, dit-elle encore plus bas pour ne pas attirer l’attention, elle a juste grondé en m’appelant « la Brodeuse ». Depuis, elle m’appelle comme ça. En vérité, je ne suis même pas certaine qu’elle connaisse mon vrai prénom…

Elle sourit un peu et termine le morceau de pain avant de piocher le lard dans l’assiette.

- Ils aiment pas trop les étrangers, ici. Même si personne ne vous regarde, même si tout le monde vous sourit, vous pouvez être certain que tout le monde vous a observé, dit-elle en un souffle. Vous feriez mieux de ne pas rester…
Astyanax le Gris
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Astyanax le Gris Ven 30 Déc - 2:03
Astyanax le Gris
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L'Elfe inclina légèrement le visage sur le côté, une discrète et indéfinissable moue aux lèvres, lorsque la jeune femme dévoila son avant-bras couvert de guenilles évoquant plus un vieux pansement crasseux qu'un quelconque vêtement ; il ne fit pas le moindre commentaire à ce propos, pourtant, et ce fut tout aussitôt qu'il reprit sa posture initiale et riva à nouveau son regard sur le visage de la jeune humaine. Il la remercia d'un petit signe de tête quand elle affirma préférer son véritable nom puis, avec une attention soutenue, écouta les explications qu'elle lui donnait. A ses derniers mots, le Gris sourit doucement en répondant :

"Il y a bien peu d'endroits, en ces terres, où un étranger tel que moi est le bienvenu."

Il commença à piocher délicatement dans son assiette, bien moins appétissante que celle qu'Aliénor avait confectionnée avec tant de soin, avant d'ajouter pensivement :

"Il en existe, cependant, mais il est rare que cela dure."


Il dégusta une gorgée de vin, semblant perdu dans ses pensées durant quelques courtes secondes, avant de relever les yeux sur la jeune femme :

"Et vous concernant, ne serait-il pas avisé de suivre ce sage conseil que vous me donnez ?"

Assurément la place n'avait rien d'un quelconque paradis, quand bien même elle y trouvait un toit et un peu de chaleur. Peu ou pas nourrie, payée moins que rien, elle ne disposait pas même, pour ce que l'Elfe en voyait, de quoi se laver et vêtir décemment ; à tout cela s'ajoutait encore brimades et moqueries, qui devaient contribuer plus qu'un peu à rendre l'atmosphère insupportable pour la jeune humaine. C'était certainement moins pire que d'être à la rue, mais tout de même, aux yeux du Gris l'aimable Aliénor méritait bien mieux que cela ; sans nul doute n'était-il pas objectif en la matière, tant il était rare que des humains l'approchent ainsi, sans pesante méfiance ou curiosité malsaine. Aussi, après une brève hésitation, ajouta-t-il :

"J'ai l'intention de me rendre aux sources de l'Immaculé, en quête d'un ancien chemin traversant les montagnes dont on m'a parlé. Ce sera un long voyage, rude et périlleux sans doute, mais... vous pourriez m'accompagner, si vous le souhaitiez. Je ne peux vous promettre que vous n'aurez jamais faim, ou froid, mais je peux vous promettre que si vous sculptez une rose dans une carotte, vous ne recevrez jamais de ma part moquerie ou mépris."

Il souligna ces derniers mots d'un léger haussement d'épaules, comme si cette seule idée était absurde, puis acheva avec un léger sourire au coin des lèvres :

"En revanche, je ne saurais vous garantir qu'elle perdure longtemps si vous la placez dans mon assiette !"
Aliénor Parker
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Aliénor Parker Ven 30 Déc - 16:20
Aliénor Parker
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- Il y a peu d’endroits où tout le monde est accepté sans conditions…En tout cas, je n’en connais pas…, murmure-t-elle en mangeant enfin de manière plus digne et plus convenable les quelques beaux petits légumes rôtis disposés sur son assiette.

Pourtant, elle finit par renoncer, agaçant distraitement un morceau de panais du bout de fourchette, comme si elle n’était plus capable d’avaler quoi que ce soit. La réputation du Gris n’est pas à faire, elle la connait elle-même fort bien même si elle n’en dit pas le moindre mot. Tout le monde sait, tout le monde connait l’Errant aux yeux sombres, une fine lame et un combattant redoutable. Le doux regard noisette se perd un bref instant sur cette physionomie marquée par les cicatrices, avant de regarder à nouveau son assiette. C’est sa réputation qui lui ouvre les portes des tavernes et des gens riches désireux de protéger leurs trésors…mais personne n’aime voir les Longues Oreilles.

Aliénor, elle, si. Ils représentent tout ce qu’elle ne connait plus depuis des années : l’érudition, l’élégance, la beauté, la finesse, la force ! En y songeant, elle dépose sa fourchette, avec beaucoup de savoir-vivre, à côté de son assiette avant de regarder les guenilles qui masquent son avant-bras. Un avant-bras qu’elle dissimule aussitôt sous la table avant de resserrer l’emprise de son châle autour de son corps.

- Et pour aller où… ?,  dit-elle en baissant la tête, fuyant le regard sombre alors qu’il conseille, sagement, d’appliquer à elle-même sa belle maxime idéaliste.

D’où elle vient, personne ne voulait plus d’elle. Où elle est, personne ne veut d’elle sinon pour effectuer des tâches ingrates. Alors…Que sera-ce si elle s’en va ? Mieux ? Pire ? Ces villageois n’ont pas le cœur sur la main, c’est certain, mais ils ont été les premiers à ne pas lui jeter des cailloux en la voyant entrer dans la taverne un soir de pluie, les jupes en piteux état, ses mauvaises bottes crevées par la caillasse des chemins, les cheveux et le corps tellement humides qu’il lui a fallu des heures devant un feu pour se sécher, refusant d’ôter ses vêtements ne serait-ce qu’un instant. Berthilde avait trouvé ça louche, dégoutant même.

Pourtant, quand Aliénor a demandé s’il y avait peut-être en ce village un poste à pourvoir, la tenancière, flairant l’aubaine de la main d’œuvre bon marché, avait proposé un petit emploi dans son auberge, une minuscule rémunération, un peu de nourriture et l’étable pour dormir en échange d’un travail ingrat en cuisine. L’humaine a été si soulagée qu’elle en a pleuré ce soir-là, sans que personne ne le sache ou ne le voie, dans l’étable, assise juste à côté de la vache. Cette nuit-là, elle a eu chaud, pour la première fois depuis des semaines…

Peu à peu, elle a pris ses marques. Et…ses employeurs aussi. Au début ils ne faisaient rien de plus que des remarques désobligeantes sous couvert d’humour, puis il y a des gestes, une gifle partie si vite un soir qu’Aliénor, abasourdie et dépendante, n’a pas réagi. Tout ça pour une marmite mal rangée sur l’étagère…

Alors quand Astyanax propose qu’elle l’accompagne, c’est un peu comme si le ciel lui tombait sur les épaules. L’étonnement le plus grand s’affiche dans les immenses yeux marron désormais posés sur lui. Quitter cet endroit ? Parcourir les routes en sa compagnie ? Vivre une aventure en compagnie d’une légende ? Tout son cœur jeune et fougueux hurle un grand « OUI ! » tandis que la peur de représailles l’incite à plus de réserve. La crainte succède à l’étonnement et à l’émotion alors que la jeune humaine se tord les mains d’angoisse sous la table, l’œil posé sur Berthilde qui est occupée à les regarder, les sourcils froncés, ce qui achève de distiller le malaise en Aliénor.

- Pourquoi…Pourquoi vous vous embarrasseriez de quelqu’un comme moi ? Je…, elle regarde ses mains, les mots peinant à franchir ses lèvres, je ne suis pas très utile…sauf si vous avez faim…Je peux accommoder à peu près n’importe quoi avec ce qu’on trouve dehors. Mais c’est tout…

L’idée de s’en aller, venue aussi soudainement qu’un vent du nord, lui tenaille à présent le cœur d’une irrésistible envie d’aventures et de découvertes.
Astyanax le Gris
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Astyanax le Gris Ven 30 Déc - 19:45
Astyanax le Gris
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Le Gris hocha doucement la tête au murmure de la jeune femme, reconnaissant par ce signe la véracité de ses dires. Il fit mine de ne s'apercevoir de rien tandis qu'elle le dévisageait, mais il perçut sa gêne, sa lassitude, du moins est-ce ainsi qu'il interpréta le brusque repli de son bras emmailloté, la fuite de son regard semblant soudain plongé en elle-même. Ce ne fut qu'à la suite de la proposition qu'il lui fit que la jeune femme revint au présent, pour le fixer d'un air incrédule. Incrédulité qui jaillit soudain en paroles, hésitantes, un peu décousues et tristement dévalorisantes.

Plus loin, la tenancière fronçait les sourcils à qui mieux mieux, sans doute à l'idée de perdre cette bonne âme corvéable à merci, tandis que Marcel, son courageux époux, se rapprochait insidieusement du gourdin qu'il tenait dissimulé sous le comptoir. L'atmosphère s'était tendue dans la salle, même le vieux Rodolphe, pourtant à moitié assoupi, en oubliait de fumer sa pipe. L'Elfe se tourna vers l'aubergiste avec un aimable sourire, tandis que sa main gauche allait extirper une pièce d'argent d'une petite poche dissimulée sous son armure puis la lançait adroitement en direction de Berthilde.

"Allons ma bonne Dame, retrouvez-donc votre beau sourire : voici qui devrait compenser vos pertes, je gage, dans le cas où Dame Aliénor déciderait d'accepter ma proposition."


S'efforçant de paraître toujours mécontente, la vieille Berthilde opina du chef tout en soupirant exagérément :

"C'est bien malheureux, une si bonne petite...mais enfin, les temps changent...et pas en bien si vous m'en croyez."

La tension retomba peu à peu dans la salle, bruissante soudain de chuchotis tout juste troublés par le crépitement de l'âtre et les légers ronflement de Rodolphe. Se désintéressant du reste de la modeste assemblée, Asytanax reporta son attention sur la jeune femme et lui répondit enfin avec un sourire amusé :

"Cela tombe bien, je suis un exécrable cuisinier."

Plus sérieusement, il ajouta :

"Quant au reste, je ne "m'encombre" pas de vous, ni ne vous propose de m'accompagner pour que vous me soyez "utile". Je vous le propose parce que je vous apprécie, que votre compagnie me ferait plaisir et que je pense que ce périple pourrait également beaucoup vous apporter. Sentez-vous totalement libre de refuser, cela dit, je n'ai pas coutume de maltraiter les jeunes femmes ; ni de les laisser maltraiter impunément, d'ailleurs."


Les noires prunelles de l'Elfe allèrent brièvement se river sur le couple d'aubergistes à ces derniers mots, prononcés assez haut pour que nul dans la salle n'en ignore rien. Le message était passé, à tout le moins ; quant à ce qui en serait fait, seul l'avenir pourrait le dire si la jeune femme décidait de rester. L'attention du Gris se reposa sur Aliénor, en l'attente dénuée d'impatience de son choix, et sur le verre de vin qu'il dégustait depuis le début du repas avec la plus grande retenue.

Aliénor Parker
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Aliénor Parker Sam 31 Déc - 12:53
Aliénor Parker
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« Une si bonne petite… »

Les mots prononcés par Dame Berthilde lui font froid dans le dos, un frisson irrépressible secoue ses omoplates sous le châle qu’elle porte. « Une si bonne petite »…Oui, sans le moindre doute. Elle ne se plaint jamais de rien, elle se contente de ce qu’on lui donne et elle n’a jamais le moindre petit mot méchant envers qui que ce soit, même si on se comporte mal envers elle. Ces quatre mots, prononcés sous couvert d’une apparente bonhommie résignée, résonnent en elle comme le ferait le son d’une cloche heurtée à l’horizon. D’autres en leurs temps ont dit la même chose. Exactement la même chose. Avant de l’abandonner à son sort, sans un regret, sans un remord, l’obligeant à faire ce qu’il fallait pour survivre.

Ces mots-là, associés à un sourire condescendant qu’elle devine au phrasé lent et bonhomme de la tenancière, fige brièvement la jeune femme en une posture défensive. Elle est sur ses gardes. Tout cela n’augure absolument rien de bon, elle le sait, jamais Berthilde n’est aussi méchante que quand elle parle sur ce ton-là. Et comme pour la conforter dans cette idée, elle perçoit le mouvement de l’époux, s’approchant du gourdin planqué sous le meuble.

Plus de choix possible. Après un échange pareil, sitôt le client parti, elle sera battue comme plâtre avant de probablement perdre tout espoir de demeurer en ce village. Alors, tout à fait pragmatiquement, choisissant le moindre mal pour tous, autant pour lui que pour elle, elle murmure :

- C’est d’accord, je viens avec vous…

Elle le regarde de ses grands yeux marron, des iris luisant de quelque chose d’absolument indéfinissable, quelque part entre le soulagement et la peur, la gratitude et la crainte. Cela fait bien longtemps qu’elle n’a plus entendu quelqu’un parler d’elle en tant que compagnie appréciable. Est-ce déjà arrivé d’ailleurs ? Elle ne s’en souvient plus…Peut-être avant, dans cette autre vie dont on l’a privée. Peut-être…

Aliénor esquisse alors un sourire doux et tendre, sincère pour le grand Elfe gris avant d’incliner un peu la tête en signe de respect.

- Je vous remercie…, dit-elle simplement avant d’ajouter. Je n’ai pas grand-chose à emporter, à peine un petit baluchon porté à l’épaule. Vous…Quand voulez-vous partir ?

Elle a un regard pour la fenêtre, indiquant par là qu’il fait nuit.

- La route vers la montagne n’est pas sûre, il y a…enfin…Il y a une créature qui hante les chemins à la nuit tombée, dit-elle en regardant la porte comme si cette créature allait en franchir le seuil sans crier gare, rappelant à Astyanax la question posée par Berthilde dès son entrée.

Pourtant, elle ne parle pas du comportement de cet être inconnu, elle se limite à dire qu’elle est présente, comme si elle se retenait de partager une information.

- La p’tite a raison, lance enfin Berthilde en essuyant ses doigts boudinés sur un torchon. L’autre soir, y a eu du grabuge à cause du monstre sur le route qui mène au Nord. Et hier, c’était à l’entrée du village, juste avant la forêt…L’gamin de Marietta a disparu.
- ‘seriez mieux d’rester à l’étage en une chambre, dit Rodolphe entre deux bouffées de tabac, l’herbe rougeoyant un peu dans la pipe.
- On pensait que c’était pour ça que vous étiez là, d’ailleurs…mais bon, dit Berthilde en haussant les épaules.

Aliénor, elle, ne dit toujours rien, regardant ses mains, tête baissée.
Astyanax le Gris
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Astyanax le Gris Dim 1 Jan - 23:43
Astyanax le Gris
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Au regard, rempli tout à la fois d'espoir et d'anxiété, de la jeune femme, l'Elfe répondit en portant la main droite à son coeur tout en inclinant légèrement le visage :

"Votre confiance m'honore, Dame ; merci."

Bien des humains avaient mis leurs vies entre ses mains, mais tous, presque tous du moins, avaient déboursé au préalable une coquette somme pour s'assurer ses services et s'en étaient remis à leurs dieux pour le reste, les mercenaires n'étant pas précisément réputés pour leur fiabilité en cas de sérieux grabuge. La jeune femme avait simplement choisi de lui accorder sa confiance, même si l'on pouvait tergiverser sur le fait que ses autres choix étaient pour le moins désespérants, et cela touchait profondément le Gris.

Après qu'Aliénor lui eut demandé quand il souhaitait partir, elle-même n'ayant qu'un bien maigre bagage à emporter, une bonne partie de la modeste assemblée se crut obligée d'asséner son avis ; l'Elfe, sourcil haussé, oreilles alertes et visage de marbre, écouta tout un chacun et toute une chacune, laissa quelques longues secondes de silence s'écouler après les derniers mots de Berthilde. Ce fut à cette dernière qu'il répondit, d'un ton résolument poli et aimable :

"Vous vous méprenez sur mon compte, bonne dame. Je ne chasse pas les monstres, les créatures ou que sais-je encore pour de l'argent. Je protège des vies et des marchandises afin de gagner honorablement ma pitance, ce qui, vous en conviendrez j'espère, est fort différent. Si vous avez des épices de l'ouest sur le marché ce mois, c'est parce que la caravane marchande qui les amène, arrivée ce soir, a fait le voyage en toute sécurité, laquelle était assurée par mes modestes soins. Et voici donc la raison de ma présence en ces lieux, puisqu'il me faut l'expliquer. J'ai appris de votre bouche l'existence de ce "monstre"."


Il haussa les épaules et refit face à Aliénor, qu'il fixa un instant étrangement, comme réfléchissant à quelque chose, puis lui demanda :

"Que diriez-vous de préparer votre baluchon ? La lune est haute et claire, ce sera certainement une bien belle nuit pour cheminer. Quant à cette créature... je n'ai jamais rencontré d'animal ou de "monstre" plus dangereux qu'un humain décidé à nuire ; je devrais pouvoir m'en accommoder si le besoin s'en fait sentir."

Il récupéra son arme d'un geste fluide, manière de souligner ses derniers mots autant que de soutenir sa proposition de départ immédiat.

La posture refermée qu'avait adoptée Aliénor, le tavernier qui s'obstinait à rester près de son gourdin - ce que ce dernier s'imaginait pouvoir faire avec une matraque en bois, sans formation martiale aucune, contre un soldat Elfe entraîné en armes et armure, restait une question en suspens - et l'ostentation trop évidente de Berthilde et Rodolphe à l'inciter à passer la nuit en ces lieux, après avoir tout aussi visiblement souhaité son prompt départ, ces divers éléments avaient fini par allumer un signal d'alarme chez le Gris. Ce que la bande mijotait il n'en savait trop rien, mais une chose était certaine : un Elfe était toujours coupable aux yeux des milices et autres magistrats locaux, quand bien même il n'avait fait que se défendre ; il supposait que le jugement ne différerait guère si l'on remplaçait l'Elfe par une miséreuse. Par ailleurs Aliénor lui avait semblé en savoir plus qu'elle n'en avait dit à propos de cette créature, un point que le Gris entendait bien creuser dès qu'ils seraient sortis de ce déplorable estaminet et, surtout, auraient délivré la jeune humaine de l'emprise de l'affreuse mégère.
Aliénor Parker
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Aliénor Parker Lun 2 Jan - 16:18
Aliénor Parker
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Pour Dame Berthilde, un mercenaire, un assassin ou un pirate, c’est du pareil au même : ce sont des gens armés qui font un sale boulot, en tous temps et en tous lieux, des personnes dont on peut acheter la loyauté à coups de pièces d’or. Que le Gris monnaye sa lame ne le rend pas moins à même de potentiellement gérer un problème qui impacte profondément ce village qui semble totalement pris au dépourvu face à l’agressivité d’un être venu de nulle part.

Il semble établi que les fourches, les pioches et les pelles ne font pas le poids face à cette créature inconnue ou, à tout le moins, que personne n’a songé à vérifier cette hypothèse, se bornant sans doute à se cantonner sagement, bravement derrière la fenêtre soigneusement barricadée d’un doux logis au confort agréable pendant que d’autres tentaient désespérément de survivre à une attaque sournoise.

La tenancière se borne donc à hausser les épaules avant de regarder son époux qui se frotte le menton, tout pensif avant de prendre un air dépité, après de longues secondes de réflexion. Et Berthilde de se fendre d’un soupir triste en roulant les yeux. Il semble évident que son cher et tendre imbécile n’a pas compris la manœuvre de sa douce, destinée à faire d’une pierre trois coups : garder la petite Brodeuse sous la main, envoyer l’Elfe vers un péril certain et potentiellement se débarrasser d’une créature qui terrifie la région. Ces hommes, il faut vraiment tout leur expliquer, se dit-elle, désappointée, en entendant la suggestion du Gris à Aliénor.

Elle va s’en aller. Qui va devoir retourner en cuisine désormais ? Depuis son siège non loin de l’âtre dans lequel brûlent quelques vieilles bûches sèches, le vieux Rodolphe a un sourire dévoilant ses chicots tout cariés…Il n’apprécie pas tellement Berthilde, toujours à houspiller son mari, un brave gars un peu simple mais pas trop regardant sur les consommations en douce…

- Dommage, elle cuisinait bien, la p’tite, dit-il d’un air malicieux avant de tirer une longue bouffée de sa pipe coincée entre deux dents bancales.

La petite, elle, tente de se remettre de toutes ces émotions en terminant le plat offert par Astyanax. Elle ne sait pas quand elle va pouvoir s’assoir à nouveau dans un endroit chauffé pour prendre un repas, alors elle mange tout, comme le font ces gens qui ont eu faim et qui prennent d’inutiles précautions en pensant se préserver un peu de quelques futures déconvenues. L’assiette nettoyée, le pain mangé, la soupe achevée, elle entasse proprement toute sa vaisselle avant de se lever pour ranger le tout dans la cuisine…et de soudainement hésiter. Elle n’est plus une employée, elle devrait laisser tout cela sur la table mais…

- Je vais revenir très vite, Monsieur…Ne partez pas sans moi, hein…, dit la voix douce et à peine audible de sous le châle crasseux. La perspective qu'il s'en aille sans elle la terrifie bien plus que la nuit, visiblement...

La vaisselle sale dans ses bras, elle file très vite dans la cuisine pour y déposer les bols, puis se dirige à toute vitesse vers la porte menant à l’étable, là où elle dort. La vache dort déjà, elle, lovée contre un gros tas de paille fraîche dans un enclos propre. Loin derrière, près d’une minuscule fenêtre, il y a la paillasse d’Aliénor. Ce n’est pas un endroit sale, ou, à tout le moins, elle a fait ce qu’elle a pu pour que l’endroit ne soit pas dégoutant malgré le vent qui s’infiltre à travers les châssis et la boue que ramène parfois sa colocataire après un séjour dans le champ voisin. Le plancher est relativement dégagé, il y a une petite chaise de mauvais bois à côté de la paillasse recouverte d’une couverture trouée, et sur la chaise, un petit sac de cuir marron. Un sac particulier, une besace à l’ornement délicat et aux entrelacs élégants dessinant des feuilles et des fleurs en un gracieux filigrane argenté, d’une qualité jurant atrocement avec les chiffons que porte sa propriétaire. Aliénor y range les quelques menues possessions qui lui appartiennent, le petit linge qui séchait encore sur une corde tendue entre deux murs puis, après avoir vérifié que personne ne se trouvait là à l’espionner, une petite bourse de cuir noir et aux lanières marron de sous ce qui lui servait de lit. A genoux sur le plancher, elle serre la petite bourse contre sa poitrine avec un sourire avant de la ranger au fond de sa besace. C’est tout, il n’y a rien de plus à emporter.

Aliénor quitte donc l’étable et passe par la cuisine, l’œil attiré par la nourriture qui s’y trouve sans pourtant s’emparer de quoi que ce soit. L’idée même de chaparder de quoi manger lui procure un frisson, un frisson vite réprimé en passant une main sur les guenilles qui enrubannent l’avant-bras opposé.

C’est une petite silhouette toute frêle, cachée par son châle et ne disposant d’aucun manteau qui se présente à  Astyanax, le sac suspendu en bandoulière, attendant le bon vouloir de l’Elfe.

- Voilà, j’ai pas été trop longue je pense…Vous n’avez pas trop attendu ?, s’inquiète pourtant Aliénor sous le regard exaspéré de Berthilde.
- Ben bonne route la Brodeuse, dit-elle sobrement avant de disparaître et bouder en cuisine afin de vérifier que rien n’avait disparu des étagères chargées de victuailles.
Astyanax le Gris
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Astyanax le Gris Jeu 5 Jan - 1:08
Astyanax le Gris
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Ce fut de la bouche édentée du vieillard à la pipe que l'Elfe entendit les premières paroles gentilles concernant Aliénor, alors qu'il affirmait qu'elle cuisinait bien. Le Gris approuva d'un hochement de tête appuyé d'un sourire à l'attention du vieil homme puis, tout comme la jeune femme, œuvra à terminer son repas. A l'inquiétude de cette dernière qu'il parte sans elle, tout juste murmurée, la surprise put se lire, brièvement, sur le visage du Gris qui, passé l'étonnement, répondit doucement :

"Non, voyons ! Nous partirons ensemble lorsque vous serez prête."

A peine fut-elle partie à toutes jambes qu'elle s'en revint à vive allure, pour s'inquiéter dans la foulée d'avoir trop fait attendre l'Elfe. Lequel ne put retenir un léger rire, sincère et joyeux :

"Du tout ma Dame, ce fut extrêmement rapide."

Après avoir attardé son regard un court instant sur la jeune femme, et sur son sac qui dénotait fort avec le reste de ses frusques, l'Elfe se leva posément, ceignit son antique lame puis s'empara de la bouteille de vin qu'il avait à peine entamée pour aller la déposer devant le vieux Rodolphe :

"Buvez donc un coup à la santé de Dame Aliénor et de son excellente cuisine, l'Ancien."

Le vieillard faillit en laisser échapper sa pipe, mais il la rattrapa juste à temps et arbora un sourire aussi réjoui qu'il était édenté :

"Ah ben ça, c'pas d'refus mon gars ! J'te r'mercie ben,et p't-être même que j'boirai un coup à la tienne, d'santé."

Le Gris hocha la tête en guise de remerciement puis, d'un regard, invita la jeune femme au départ d'un regard avant de se diriger vers la porte qu'il tint ouverte à son attention. Une fois sortis et la porte refermée derrière eux, l'Elfe désigna la rue allant approximativement vers l'ouest :

"Allons par là, si vous le voulez bien : les marchands ambulants que j'ai escortés ont installé leurs roulottes hors des murs, près de la poterne ouest, il faut que je récupère les affaires que je leur ai laissées et que nous vous trouvions quelques petites choses en vue du périple qui nous attend."

L'Elfe n'avait de fait le moindre sac avec lui, ni même une simple besace. Prenant soin d'adapter ses longues et souples foulées au pas de la jeune femme, il attendit qu'ils se soient éloignés un peu du sinistre estaminet avant de demander, visiblement intrigué, à sa nouvelle amie :

"A propos, cette créature qui rôde dans les environs... en sauriez-vous davantage par le plus grand des hasards ?"

La jeune femme en savait plus qu'elle n'en avait dit, supposait l'Elfe qui, songeant soudain à quel point il ignorait tout d'elle, ne put s'empêcher de jeter un bref coup d'oeil au sac qu'elle arborait et qui jurait si ostentiblement avec le reste de sa tenue. Mais ils auraient tout loisir de faire connaissance, songea le Gris, au fil des chemins qu'ils arpenteraient ensemble, pour autant naturellement que ce futur advienne tel que planifié.


Aliénor Parker
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Aliénor Parker Jeu 5 Jan - 9:36
Aliénor Parker
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Lorsqu’il se lève et qu’il se redresse, Aliénor se ratatine un peu sur elle-même tout en s’agrippant à la lanière de sa besace. Il est immense, il lui faut lever le visage pour le regarder…et cette grande lame qu’il porte aussi aisément qu’elle porte son sac ! Cela effraye un peu la jeune femme qui pâlit avant de détourner la tête afin de regarder ailleurs. La porte. Il s’est éloigné pour donner le reste de sa bouteille au vieillard…elle, elle passe la main sur son sac, en songeant à ce qu’il contient sous le petit linge et la bourse de cuir.

Ce n’est qu’après avoir passé la porte de l’auberge qu’elle semble enfin respirer, se détendre, les épaules soudain relâchées, comme si un poids venait de s’envoler de sur sa frêle silhouette. Ces gens ne lui manqueront absolument pas. Cet endroit ne lui manquera pas non plus. Seule la vache, silencieuse et placide créature, lui manquera un peu. Elle tenait chaud, la nuit, quand le vent soufflait trop fort ou quand le froid s’insinuait jusqu’à sa paillasse…

- D’accord, souffle-t-elle de sous son châle avant de s’arrêter un instant. Elle regarde le Gris avec inquiétude. Monsieur…Les marchands…Je…

Elle se regarde, depuis le bout de ses bottes réparées à la sauvette jusqu’à son châle troué et sale. Embarrassée, elle n’ose pas regarder sa jupe, pas plus que son corsage, tous deux de tissu marron et beige, de qualité médiocre. Aliénor sait que ses habits sont dégoutants et très abîmés. Et c’est tout ce qu’elle possède, en dehors de quelques petites pièces de bronze durement gagnées à l’auberge. Pourtant, la jeune femme ne s’en plaint pas, elle s’accommode de ce qu’elle a sans chercher à obtenir plus, plus beau, plus confortable, parce qu’elle sait que le confort a un prix qu’elle est incapable de payer. Toute rouge jusqu’au front, elle dit enfin, vraiment très gênée :

- Je n’ai pas assez d’argent pour acheter quoi que ce soit, Monsieur, j’ai juste quelques piécettes gagnées à l’auberge…et les…choses…dont vous parlez…Je ne sais pas ce que c’est mais si c’est de nouveaux habits ou, pire encore, de nouvelles bottes…je ne peux pas payer. Pas avec des pièces en tout cas…Et…

Elle regarde encore ailleurs avant de reprendre la marche, parlant toujours de cette voix basse qui est la sienne, comme si parler plus fort allait lui attirer des ennuis :

- ..et j’ai pas très envie de payer un marchand d’une autre manière.

Aliénor serre plus fort son châle contre elle. Une chance qu’il fasse nuit parce que vu la chaleur qui est en train de se répandre en ce moment jusqu’à ses oreilles, elle devine qu’elle doit  être aussi rouge qu’une pomme. Les marchands, elle connait bien. Très bien. Trop bien. Beaucoup d’entre eux n’ont absolument aucun scrupule à profiter de la misère des autres et la jeune femme n’est guère pressée d’en croiser à nouveau.

Fort heureusement, Astyanax change de sujet, revenant sur la créature qui rôde dans les parages, à la nuit tombée. Aliénor ne dit rien pendant de longues secondes, regardant la haute silhouette de biais. Il aurait deviné quelque chose ?

- Vous comptez la tuer ?, demande-t-elle en un murmure, alors que l’enceinte du village est désormais visible.
Astyanax le Gris
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Astyanax le Gris Mer 11 Jan - 16:23
Astyanax le Gris
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La jeune femme acquiesça à la proposition du Gris mais, alors qu'il esquissait déjà un mouvement dans ladite direction, l'inquiétude qu'il découvrit sur le visage d'Aliénor le fit s'immobiliser tout net. Alors qu'elle bredouillait tout en s'observant d'un air atrocement gêné, les oreilles de l'Elfe pivotèrent vivement en sa direction, comme pour mieux entendre les marmonnements à peine audibles, du moins pour une oreille humaine, qui révélaient la source de son profond trouble. Mais, semblant perdue dans un abyssal marasme, elle se remit en route subitement, prestement suivie d'Astyanax à qui elle demanda presque aussitôt s'il comptait tuer la créature rôdant dans les environs. Le Gris se tourna vivement vers elle, sourcils froncés en une moue plus perplexe, ou choquée peut-être, que contrariée :

"Pourquoi ferais-je une chose pareille ? J'ignore tout de cette créature, en dehors du fait que les villageois semblent en avoir peur. Et pour l'heure, elle ne menace ni votre vie ni la mienne."


Il haussa les épaules, avant de poursuivre plus doucement :

"Quant au reste, je ne vous ai pas extirpée de ce troquet misérable pour vous jeter en haillons sur les grands chemins, et encore moins pour que vous soyez contrainte de payer en "nature" quoi que ce soit. Je ne suis pas riche, en grande partie parce que collectionner le métal brillant ne m'intéresse pas, mais vous offrir de quoi prendre ce nouveau départ dans de bonnes conditions est dans mes moyens."


Le Gris sourit tranquillement à l'attention de la jeune femme puis, tandis qu'ils approchaient peu à peu des portes, closes pour la nuit et surveillées par deux quidams armés de piques maladroitement tenues à la manière de râteaux, ajouta pensivement :

"Par ailleurs, je sais bien que c'est facile à dire, mais vous n'avez nullement à vous sentir coupable d'être pauvre. Les responsables, ce sont les "riches" qui auraient aisément pu partager un peu de leurs ressources pour vous garantir des conditions de vie décentes, et qui ne l'ont pas fait."

L'Elfe s'immobilisa alors et, après un bref instant de réflexion, désigna l'extérieur de la bourgade d'un geste vague de la main en précisant :

"Si vous devez marcher à mes côtés, je tiens à ce que cela soit en tant que mon égale, en tant que femme libre et fière, pas comme une jeune démunie dépendant du bon vouloir d'autrui pour sa survie. Aussi vais-je vous trouver de bons vêtements, des bottes, les quelques petites choses qui s'imposent pour vivre convenablement et vous remettre assez d'argent pour que vous vous sentiez réellement libre de choisir votre chemin. Vous ne me devrez rien, que ce soit bien clair : c'est un cadeau que je choisis de vous faire, et un vrai cadeau ne saurait être entaché par l'attente d'une quelconque contrepartie."

 A la jeune femme de décider ensuite que faire de ce modeste cadeau et de sa vie. Le Gris agissait de la manière qu'il pensait juste, ce que les gens faisaient ensuite de son aide ou de ses conseils n'était pas de son ressort. Il aurait pu conter à sa nouvelle amie comment le dernier miséreux à qui il avait voulu donner une seconde chance s'était empressé d'aller dilapider ce qu'il venait de recevoir dans la première taverne venue ; ou encore l'histoire de cette femme à qui il avait donné de quoi nourrir son enfant famélique, pour apprendre quelques jours plus tard qu'elle s'était empressée d'aller tout remettre à son proxénète et qu'elle avait été battue en prime, pour le seul tort de n'avoir su extorquer davantage à ce naïf étranger. Mais toutes ces affaires ne changeaient rien à la nature profonde du Gris, il avait simplement acquis la conscience que chaque situation du genre était une sorte de pari, dans lequel lui-même ne risquait jamais que quelques pièces et un peu de temps.
Aliénor Parker
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Aliénor Parker Jeu 12 Jan - 7:05
Aliénor Parker
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Aliénor baisse un peu la tête à la réponse d’Astyanax, dissimulant sa réaction sous le châle troué qu’elle porte pour se protéger du froid et du vent.

- Vous ne réagissez pas comme les villageois…Eux, tout ce qu’ils voulaient, c’était la tuer…

La voix douce d’Aliénor semble gagner en sérénité en prononçant ces mots. Elle sait très bien que ce qu’on ne connait pas effraye, il n’y a rien d’illogique dans cette réaction. Elle en a, après tout, elle-même fait les frais à son arrivée dans ce petit village perdu. Cela lui aurait fait beaucoup de peine, étrangement, de savoir que l’Elfe aurait pu partir à la chasse au monstre. A ses yeux, il est un sauveur aux principes nobles…Quelle noblesse y aurait-il eu à traquer un fantôme dont personne n’a pu donner une description complète ? Ce monstre pourrait, après tout, être n’importe quoi, un animal poussé par la faim, un être humain désespéré…Quoiqu’il en soit, la jeune femme n’évoque plus le sujet et se tait prudemment.

Parvenus ensemble à la sortie de la ville, le Gris prend un instant pour expliquer à une Aliénor totalement silencieuse ce qu’il compte lui offrir. Alors qu’elle observe droit devant elle les sentiers vaguement éclairés par la lune, il lui semble soudain être à la frontière entre deux mondes : l’un dont elle connait les rouages, les occupants et les paysages, un monde qui n’a pas été tendre avec elle, puis l’autre dont elle ignore presque tout, tout comme elle ne sait rien de celui qui l’accompagne. L’inconnu effraye, ainsi qu’il est écrit plus haut, et la pure noblesse désintéressée du Gris est peut-être ce qui l’effraye le plus, en vérité. Toute sa vie, les gentillesses étaient synonymes de redevabilité. La méchanceté, le vice, la brutalité, tout cela est connu. La gentillesse et la noblesse…Cela fait bien longtemps qu’elle ne les avait plus croisées et des souvenirs curieux lui reviennent, formant un boule en sa gorge. Une chance que l’Elfe ne puisse voir son embarras, de sous son châle…Le hululement strident d’un hibou, sur la droite, la sort de sa réserve. Une petite toux lui permet de reprendre pied et de répondre :

- Je n’en veux pas aux gens riches…S’ils sont riches, c’est souvent qu’ils sont nés dans la richesse, ils ne savent rien de la vie des pauvres gens, la difficulté de se lever avant l’aurore pour glaner de quoi se nourrir avant que les oiseaux ne mangent tout ce qu’il reste, de travailler pour nourrir ceux qui comptent sur nous…de devoir mendier, parfois, pour obtenir le plus strict nécessaire…Pourquoi s'inquiéteraient-ils ?, dit-elle d’une voix douce à la parfaite élocution, pensive. Triste. Quand on nait dans des draps de soie, on ne sait rien de la rugosité du chanvre…alors…Non, je ne leur en veux pas…Juste…Parfois…Ils devraient ouvrir les yeux. Et c’est peut-être cela le plus difficile…

Le regard d’Aliénor cherche la source du hululement, distraitement, puis elle regarde enfin Astyanax, en serrant la main sur la lanière de son sac. Alors, il est tout à fait sérieux ? Il va lui offrir des choses sans qu'elle ne doive rien donner en retour, à lui ou à d'autres ? Est-ce donc possible ? Une longue mèche de cheveux marron, doucement ondulée, s’extirpe de sous la vieux châle alors qu’elle penche la tête, incrédule. Des vêtements, de l’argent…C’est bien plus que ce qu’elle pouvait seulement espérer ou imaginer il y a à peine vingt-quatre heures et voilà que désormais elle chemine en compagnie d’un Elfe qui l’emmène loin d’ici, loin de tout ce qu’elle a pu connaître…Sans réfléchir, rapidement, la main droite de la jeune femme attrape les doigts gauches de l’Elfe pour les serrer furtivement avant de la ranger sous son châle, pour ne pas l’importuner davantage.

- C’était très inconvenant…Excusez-moi…Je voulais juste vous remercier…c’est ma contrepartie à moi…

Elle n’aurait certainement pas agi de cette manière avec n’importe qui, elle qui limite les contacts avec les autres à leur plus stricte minimum. C’est donc qu’il est parvenu à la toucher au plus profond du cœur…

Là-bas, à quelques mètres du poste de garde, il y a un peu de bruit en provenance de quelques roulottes de marchand. Il y a aussi l’odeur du potage qui cuit, un petit feu de camp, un rire de petit enfant. Alors, sans demander quoi que ce soit de plus pour l’instant, elle fait un pas, puis un autre en direction de la caravane en évitant soigneusement la moindre flaque de boue ou d’eau, ce qui lui donne l’allure d’une gamine sautant un peu partout pour éviter de se salir davantage. La vérité est qu’elle a très froid et la perspective de se réchauffer devant les flammes, couplée à celle d’enfin être habillées décemment, lui donne une raison d’avancer avec confiance vers les roulottes. Elle ne risque rien après tout, puisqu’il est là, non ?

Elle se tourne un instant vers lui, tout son visage enfin visible de sous le châle, un visage jeune aux traits doux, illuminé en cet instant par un sourire immense. Elle est beaucoup plus jeune que ce que son vieil habit dégoutant laisse supposer…

- Vous venez ?, demande-t-elle de sa voix toujours douce.
Astyanax le Gris
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Astyanax le Gris Ven 13 Jan - 2:51
Astyanax le Gris
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L'Elfe se contente de sourire d'un air amusé lorsque la jeune femme constate, avec un soulagement perceptible, qu'il ne réagit pas comme les habitants du cru. Oh, il a bien des points communs avec les humains : manger boire et tout ce qui s'ensuit, mais pour le reste ? Néanmoins, le moment n'est guère propice pour parler à sa nouvelle amie de ses différences, de la culture et des coutumes de son peuple, il préfère l'écouter partager sa vision des choses concernant les riches et leur vision particulière, étriquée, du monde. Ouvrir les yeux, oui, il sait combien c'est difficile, parfois, et d'autant plus important généralement. Il ne peut qu'approuver d'un hochement pensif de tête à ses paroles, mais ce n'est pas tant le contenu que la manière dont elle l'exprime qui interroge le Gris.

Assurément elle n'a pas le parler peu dégrossi d'une enfant de la rue, son élocution est bien trop soignée, son vocabulaire trop étoffé, autant de signes d'une bonne éducation aux yeux de l'Elfe. Il ne lui est guère ardu de faire un lien avec ce sac de très belle facture qu'elle arbore et qui l'a interpelé dès qu'il l'a aperçu dans l'estaminet. Sans doute poserait-il une ou deux questions à ce propos à la jeune femme, si elle ne choisissait cet instant pour s'emparer de sa senestre et la serrer brièvement. Surpris, le Gris n'a que le temps d'esquisser à son tour une pression avant que la petite main fine d'Aliénor ne regagne à toute vitesse son abri avec des paroles d'excuses pour ce geste supposément "inconvenant", qui n'est autre, dit-elle, qu'un geste de gratitude. Astyanax porte sa main droite à son coeur et incline d'un rien le visage, solennel, avant de répondre d'une voix douce :

"Il n'y a rien à excuser, dame, et puis..."

Tel un feu follet, voilà que la jeune femme se met soudain à sautiller entre les flaques d'une manière presque enfantine, attirée sans doute par les bruits du campement des marchands, bien audibles maintenant qu'ils se sont approchés. Elle se retourne alors vers lui, un sourire radieux illuminant son jeune visage au traits doux que l'Elfe discerne entièrement pour la première fois, pour lui demander s'il va se décider à avancer ! Le Gris lui retourne un sourire joyeux, tout en la rejoignant prestement :

"Bien sûr, pardonnez-moi, vous devez avoir froid, même si votre beau sourire réchauffe l'âme."

Aux gardes, il adresse un salut respectueux de la tête, accueilli avec une espèce de défiance sourde et revêche qui ne les empêche pas d'entrouvrir les portes avec une mauvaise grâce évidente en leur faisant signe de passer. Lorsque Aliénor se faufile devant eux, le plus âgé ne peut s'empêcher de lui souffler :

"Reste pas avec c'oiseau d'malheur, gamine, y va t'attirer qu'des ennuis."

*****

Devant la bourgade, cinq grandes roulottes forment un large cercle, au sein duquel brûle une vigoureuse flambée. Un peu en retrait, une douzaine de boeufs couchés rumine paisiblement, tandis qu'un cheval bai, visiblement âgé mais encore vaillant car apparemment bien soigné, vide avec ardeur une poche d'avoine. Autour du feu, sur lequel chauffe un gros chaudron de soupe, quelques quinze personnes environ se tiennent : marchands avec leur famille, spadassins à la mine probablement sinistre en temps normal mais qui, pour l'heure, se dérident, détendus, dans une ambiance presque digne d'un groupe de baladins. Beaucoup moins visibles, quelques gardes surveillent le camp avec un professionnalisme très inhabituel pour de simples mercenaires, aussi Aliénor et son compagnon sont-ils repérés dès qu'ils franchissent les portes du bourg. Mais ce n'est que lorsqu'ils sont tout près que l'un des gardes, un homme dans la force de l'âge à la longue crinière blonde entremêlée, rudement balafré, leur lance :

"Voyez-vous ça ! L'Cap'taine qui s'en r'vient avec une jolie p'tite ! Pas croyab' ! Pas à moi qu'ça arriverait, toujours. Foutue vie, pas vrai p'tite ?"

Quoique interprétant de travers la situation, le mercenaire a un regard bienveillant envers Aliénor, à l'attention de qui il ajoute en désignant le foyer d'une main à laquelle il manque le petit doigt :

"Y'a d'la soupe sur l'feu, va t'réchauffer p'tite, avant d'choper la mort."

L'Elfe lève les yeux au ciel aux premiers propos du garde, puis acquiesce aux suivants avant de rétorquer d'une voix trop basse pour être entendue des gens autour du feu :

"Garde l'oeil ouvert, Oswald, il y a quelque chose, ou quelqu'un, qui rôderait dans les environs et qui semble avoir causé quelques problèmes. Fais passer discrètement le mot aux gars, à tout hasard."

A peine a-t-il achevé de parler qu'une petite tornade de quelques cinq printemps, brune de crin et tout ébouriffée, se jette dans ses jambes en criant d'un air réjoui :

"Atinax!!! Fais voler moi ! Siteûplaîîîîît !"

Riant, le grand guerrier se penche, saisit délicatement le bambin sous les aisselles en s'exclamant d'un air non moins réjoui :

"Gaëtan !!!"

Le Gris s'écarte de quelques pas et se met a tourbillonner à folle allure en tenant l'enfant hilare et ravi à bout de bras. Plus qu'un simple tournoiement, c'est une sorte de danse à laquelle se livre l'Elfe, gracieuse, précise et vive comme le vent. Le gamin frôle le sol par instants, puis s'élève bien au dessus de la haute stature de l'Elfe en une courbe affolante, vertigineuse, qui enchante visiblement le mouflet. Après quelques instants, le Gris repose doucement l'enfant à terre, s'accroupit devant lui et désigne, d'un geste respectueux de la main ouverte, la jeune femme qui l'accompagne :

"Voici mon amie Aliénor."

Puis tournant le regard vers Aliénor et désignant comme précédemment l'enfant :

"Voici mon ami Gaëtan, fils de Maître Corentin que voici venir"
, il désigne d'un petit signe de tête le cinquantenaire légèrement bedonnant qui approche. Vêtu avec une élégante simplicité, dague au côté et arborant une coupe au bol oblique très à la mode - L'Elfe ignore tout de l'endroit où telle mode règne, nul à ce jour n'ayant pu le renseigner à ce sujet - l'homme est visiblement un marchand plutôt fortuné, qui observe alternativement la jeune femme et le Gris d'un air intrigué :

"Arrain m'en soit témoin, voilà quelque chose de bien inhabituel !"

"Allons, Corentin mon bon ami, vous voyez bien que cette enfant est gelée", s'exclame, outrée, un petite femme sèche et énergique qui doit être l'épouse du marchand au vu de la familiarité avec laquelle elle le bouscule pour s'approcher. "Venez donc vous réchauffer, et... grands dieux! Ma pauvre petite, dans quel état es-tu" s'offusque-t-elle en découvrant sa mise dépenaillée ?!

"Elle a besoin d'un bain" s'exclame, non sans pertinence, le bambin désormais accroché aux jupes de sa mère.

Discrètement, un regard s'échange entre le marchand et le Gris, qui précise avec un zeste de malice :

"Et de grâce, ne tente pas de me vendre à prix d'or du savon miraculeux venu du lointain orient, je sais que ta femme le fabrique dans votre roulotte !"


Il semble qu'un véritable tourbillon soit sur le point de happer Aliénor et le Gris, tandis que le marchand part d'un grand éclat de rire et que le camp s'anime, chacun et chacune étant curieux de savoir ce qui se passe et prêt à mettre la main à la roue si besoin.
Aliénor Parker
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Aliénor Parker Ven 13 Jan - 4:32
Aliénor Parker
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La perspective de la chaleur, d’un bon feu, semble avoir ranimé celui qui dormait en cette jeune femme qui avance, en sautillant, vers le campement. C’est étrange, pour Aliénor, de ressentir cela, ne serait-ce qu’une toute petite fraction de seconde. Pendant cet infime laps de temps, une seconde d’éternité, il n’y a plus d’ennuis, il n’y a plus rien de soucis, il n’y a plus de malheur. Pendant cet infime laps de temps, il n’y a plus que l’espérance, la radieuse perspective de partager la chaleur en un moment merveilleux de paix. Et cet infime laps de temps, cette unique seconde, dépose un baume sur son esprit. De tels moments sont rares et elle sait en profiter à leur juste valeur.

Elle est en sécurité, en compagnie d’un noble Elfe au cœur d’or, il est armé, il ne peut rien lui arriver. Pourtant, il suffit d’un rire, d’un regard, d’un mot déplacé ou d’un sous-entendu pour que le sourire s’efface, comme si chaque mot était un rappel de ce qu’elle est aux yeux de tous : une pauvresse couverte de guenilles dont personne ne voudrait même pour entretenir un sol, un animal étrange au membre couvert de bandages crasseux, au visage sali par le travail et par le manque de soins les plus élémentaires. Avec cette dégaine, si tard dans la nuit, en compagnie d’un monsieur, il n’est pas difficile pour elle d’imaginer et de comprendre les allusions du garde. Un regard peiné, triste, se lève sur l’homme en armes puis elle se renferme dans son châle, la tête basse. Elle ne lui en veut pas…Beaucoup de gens pensent la même chose, elle en a l’habitude donc elle ne répond rien, même si c’est très désagréable de passer pour une fille qui vend ses charmes…

Aliénor a un simple hochement de la tête en regardant le feu, et la soupe dont le garde a fait mention. Aussitôt son estomac se tord, ce qui la fait se crisper encore plus. Oui, elle vient de prendre un repas…mais elle a encore faim. En son esprit, elle se fustige pour sa faiblesse.

Elle n’a pourtant pas le temps de s’attarder sur ce détail, une petite créature, un enfant visiblement, vient de s’élancer dans les jambes de l’Elfe, sans la moindre crainte, réclamant un tour de manège sous le regard de la jeune femme qui recule d’un pas pour leur laisser la place. Un doux sourire s’affiche sur ses traits en voyant le bonheur de ce petit garçon, un bonheur simple. Puis…Astyanax a ri. Et cette musique là la fait sourire peut-être plus que le reste.

Lorsque l’Elfe la présente comme son amie, elle s’incline doucement devant le petit garçon, sans rien répondre. Toutefois, elle ponctue son salut d’un petit clin d’œil malicieux avant de se redresser. Eloignée de leur contact, la jeune femme ne se sent pas particulièrement à l’aise avec les plus petits. Son interaction avec le jeune Gaetan s’arrête donc, pour l’heure, à un sourire et une minuscule pitrerie.

Les choses se compliquent à l’arrivée du marchand.

Les grands yeux noisette observent Maître Corentin – puisque c’est ainsi qu’il se nomme – avec une stupéfaction qu’elle tente de dissimuler en regardant de suite ailleurs. D’un geste, le sac passe de l’autre côté de son corps, afin de ne plus être visible du bonhomme…et de son épouse qui s’approche. Aliénor, dans un réflexe, se cache derrière Astyanax, comme si elle était en danger. Elle ne voit rien de l’échange entre l’Elfe et le marchand, elle ne voit que le bambin accroché aux jupes de sa mère, un peu comme elle est accrochée aux basques de l’Elfe.

- Un…Un b…bain ?, dit-elle de sous son châle. Du…savon ?

L’idée même semble mettre la jeune femme au supplice.

- Il…Il y a une rivière pas très loin…, dit-elle dans un début de réponse douloureuse, cachée derrière la haute silhouette du guerrier.

Des têtes se tournent vers eux, il y a d’autres personnes en approche. Sa main tremble désormais, il pourra le sentir au mouvement secouant le vêtement qu’il porte. Le rire de Maître Corentin les attire. Son ami et elle les attirent. Les oreilles de la jeune femme bourdonne, un frisson glacé s’empare de ses jambes, elle est sur le point de se sentir mal.

- Astyanax…Je…Je ne veux pas de bain…Est-ce…Est-ce qu’on peut juste se réchauffer ?

La peur d’Aliénor est presque tangible désormais.

Au loin, un hululement lugubre se fait entendre, suivi par d’autres cris d’animaux, comme s’ils étaient tous agités en une fraction de seconde.
Le Désespoir des Ombres
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Le Désespoir des Ombres Ven 13 Jan - 11:09
Le Désespoir des Ombres
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Il y a un monstre. Tapi dans l’ombre. Celui-là n'est qu’obscurité quand s’en viennent les babines ensanglantées d’une créature vengeresse.

La forme est indécise, se fond dans la nuit comme un soupir, fluide et volatile, elle arpente la forêt sans hésitation. Entre les arbres, le souffle de la bête se fait plus puissant. Elle l’a senti. Fragile créature au sang chaud. Proie d’une insatiable soif. Sa langue pend de ses babines alors qu’elle se met en chasse. Ses lourdes pattes frappent le sol au rythme lent de la fatalité que trace son sillage. Cette nuit, le sang teintera le ciel.

Éclabousser la lune de carmin et d’entrailles, le spectacle n’est pas donné à tous. La mort sait parfois se montrer élitiste. L’échine de la créature s’émeut de son futur repas, un frisson d’excitation parcourt son poil avant de laisser place à l’implacable froideur de sa détermination.  

La Bête du Servongan a fait sa sinistre réputation, à travers bourgs et vallées. Elle s’en vient, sans plus d’explication que le mauvais temps. Frappe sans distinction, homme comme bétail. La chasse que certains ont pu lui faire ne s’est soldée que par de nouvelles disparitions. Alors, lorsque la réputation précède la bête, portes et fenêtres se ferment, de nuit comme de jour pour les plus prudents, d’autres laissent à la porte, un morceau de viande ou une chèvre en pâture. D’autres encore pensent que la Bête n’emporte que les coupables, alors, pour un temps, les méfaits cessent. Les hommes racontent des histoires, pour se rassurer autant que pour se faire peur. Car la peur, universelle et primitive, est parfois la meilleure alliée des hommes.

Le jour passe et la bête s’en va, sans plus d’explication que le soleil. On l’aperçoit à deux lieues de là, créature de crocs et de serres, puis à l’est, aux abords de l’Immaculé, monstre d’écaille et de feu. On l’a dit venue des tréfonds des forêts ancestrales ou des pics maudits, née de la dépouille d’une sorcière ou de la colère des hommes. Il n’y a, ni bonne explication, ni théorie irréfutable, le mensonge est honnête dans la bouche du prudent messager, le rapporteur ne fait que relater. Alors, la menace devient plus importante que la vérité. Le danger a cette faculté.

La créature monstrueuse du Servongan perdra sans doute un jour son nom ou deviendra étendard du village qui n’eut de malheur que d’être son premier lieu de chasse. Peut-être deviendra-t-elle le Monstre de Brugge lorsque la rumeur parviendra jusqu’à la Taverne du chat qui miaule.

L’obscurité est tombée depuis plusieurs heures sur le comté, avec elle se sont éveillées les créatures et les monstres de la nuit. Alors que la belle fait ses premiers pas sur les chemins de l’inconnu, la bête tourne ses yeux vers les cimes. Elle attendra, patiente et funeste, que sa proie fasse le mauvais choix.
Astyanax le Gris
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Astyanax le Gris Sam 14 Jan - 0:37
Astyanax le Gris
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La réaction de la jeune femme, d'abord à l'arrivée du marchand et de son épouse puis, plus intense encore, à l'évocation du bain, fait légèrement plisser les yeux au Gris. Sa posture change imperceptiblement, se fait plus protectrice tandis qu'Aliénor se terre derrière lui et s'accroche en tremblant comme une feuille à ses vêtements. Les oreilles de l'Elfe semblent se tendre en direction des bois, où s'agitent à cet instant de nombreuses créatures. Les prunelles d'onyx du guerrier se portent quelques instants vers les alentours du camp, tandis qu'il paraît écouter, tête légèrement penchée sur le côté, les bruits de la nuit. Ce qu'il entend, lui seul le sait. Lui et quelques chiens du voisinage peut-être, qui se mettent subitement à japper plaintivement, craintivement presque. Vigilant soudain, il scrute un instant de plus les environs, puis son amie, d'un air profondément songeur, se reprend vivement et lui répond enfin, doucement :

"Rien ni personne ne vous y oblige. Je pensais que cela vous ferait plaisir, simplement. Allons plutôt près du feu, si vous préférez."

Il se demande quelle expérience traumatisante a bien pu infliger une telle terreur du bain à la jeune femme, et pourquoi elle semble tant craindre de faire face à Corentin et à son épouse. Mais il ne pose aucune question, il leur fraye simplement un passage jusqu'au feu, tout  en s'assurant qu'Aliénor ne se fasse pas happer par la petite foule. Puis, alors que tous les regards sont braqués sur eux, le Gris jette un regard circulaire qui s'attarde une fraction de seconde sur chacun et chacune en faisant mine de s'étonner :

"Eh bien ? Lukas, sers donc un bol de soupe à mon amie, plutôt que de bailler aux corneilles ! Maître Corentin, auriez-vous l'amabilité de lui fournir une de ces couvertures de bonne laine que vous importez du Duché de Primesylve ? A mes frais, bien entendu."

Le dénommé Lukas, un jeune mercenaire rouquin d'apparence flegmatique, s'active aussitôt en souriant avec un "Ay Cap'taine" sonore et tend rapidement à la jeune femme un gros bol de soupe aux légumes, épaisse et savoureuse. Maître Corentin opine et, avec bien moins d'enthousiasme que le spadassin, s'en va en direction de sa roulotte tandis que son épouse, suivie par son bambin toujours accroché à ses jupes, reprend place autour du feu en haussant les épaules, déconcertée peut-être par le refus terrifié de la jeune femme.

L'errant aux longues oreilles semble un peu ailleurs, soudain, comme perdu dans ses pensées. Peu de choses échappent à son attention, pourtant, que ce soit dans son environnement immédiat ou plus loin, dès lors que cela fait un bruit, car il écoute avec une extrême attention. Il ressent confusément qu'il se passe quelque chose d'inhabituel, ainsi que l'a remarqué, quoique fort mal à propos, Maître Corentin. Ce dont il s'agit, il l'ignore, mais l'atmosphère générale est étrange, indéfinissablement tendue du côté de la faune nocturne qui se comporte inhabituellement, trop bruyante ou, au contraire, trop silencieuse. Il ne saisit pas non plus la nature du malaise qui a envahi la jeune femme : a-t-elle déjà rencontré ce marchand, eu des ennuis avec ? Pourquoi s'est-elle dépêchée de dissimuler son sac à la vue du couple, et pourquoi la faune a-t-elle réagi pile à l'instant où la jeune femme a été prise de terreur ? Simple coïncidence ? Est-ce lié ? Beaucoup de questions, d'inconnues, qui poussent le Gris à lui murmurer très discrètement :

"Souhaitez-vous que je hâte les préparatifs de départ ? Vous ne me semblez guère à l'aise, ici..."
Aliénor Parker
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Aliénor Parker Sam 14 Jan - 6:47
Aliénor Parker
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Un acquiescement manifesté par un mouvement rapide de la tête répond simplement aux propos de l’Elfe. En son cœur, le calme revient peu à peu, grâce à cette certitude de ne pas devoir prendre un bain en un milieu qu’elle ne connait pas. Les deux petits orbes noisette disparaissent un instant, voilés par des paupières rougies, en un soupir de soulagement qu’elle ne prend même pas la peine de dissimuler. Les mains cessent de trembler, les battements de son cœur ralentissent, la paix semble revenir sur son visage un instant terrifié. Gênée, la pauvrette  lâche les habits du Gris, rangeant soigneusement ses mains sous son vieux châle. L’idée de devoir se dévoiler…ôter ses seuls remparts contre…La main droite d’Aliénor serre convulsivement son avant-bras bandé contre son buste, comme pour lui apporter une protection supplémentaire. Le visage tourné vers le sol, elle a bien conscience qu’elle doit une explication, et qu’il lui faut la donner rapidement si elle veut conserver une bonne relation avec Astyanax. Il est ce qui ressemble le plus à un ami depuis quelques heures, cela le place donc sur un podium extrêmement réduit de personnes aves lesquelles elle peut parler de certaines choses.

Certaines.
Pas toutes.
S’il sait, il s’en ira. C’est ce qu’ils font tous, quand ils savent. Alors, l’humaine prend sur elle, elle lève les yeux sur l’Elfe et murmure :

- Il y a trop de gens autour de nous…Je préfère la solitude d’une forêt et l’eau courante…Mais…un tout petit morceau de savon…c’est vrai que ça me ferait du bien…

Une pauvre explication et une bien piètre pirouette en regard de sa réaction, elle le sait parfaitement, pourtant elle ne dit rien de plus, elle se contente de suivre l’Elfe en restant tout près de lui, dissimulant son sac sous son châle afin que personne ne puisse le voir. Toute la joie, toute l’attitude sautillante et gaie de la jeune humaine semble avoir disparu. Même le feu dont la bienfaisante chaleur se répand sur elle ne parvient pas à la faire sourire. Près de ce grand feu, il y a une vieille souche biscornue, la jeune femme s’y assoit, en cachant son seul bien sous ses jambes. Il est absolument évident qu’Aliénor fait tout pour que personne ne la reconnaisse en ce campement, tout comme elle fait de son mieux pour dissimuler l’état catastrophiques de ses bottes souples, sous une jupe qui n’est guère plus présentable.

En dehors, en la forêt comme au village, les choses semblent être revenues à la normale, il n’y a plus que les bruits habituels, ceux d’une forêt nocturne remplie de rongeurs, de petit gibier et de rapaces. Les chiens ont également cessé de japper.  

- Je vous remercie, Monsieur Lukas, souffle-t-elle avec une exquise politesse à l’adresse du jeune mercenaire alors qu’il lui tend un bol de soupe bien chaude.

Les longs doigts fins enserrent le petit récipient comme un cadeau précieux, avant de s’emparer de la cuillère de bois et de manger, toujours en silence, et en tâchant également de ne pas trop prêter attention aux nombreux regards posés sur elle en cet instant. Relever ce fait là ne ferait qu’aggraver la situation…alors elle mange.

Maître Corentin est parti chercher une couverture. Une couverture de laine, la laine de Primesylve, grands Dieux…Elle manque de s’étouffer avec un morceau de panais, et se reprend, concentrée sur le repas. Il n’y a pas de meilleure et de plus douce laine en ce monde…et c’est absolument hors de prix, elle le sait.

Tête baissée, elle taquine du bout de sa cuillère un morceau de carotte flottant à la surface du potage puis tourne la tête vers l’Elfe qui vient de lui proposer de hâter les préparatifs. Il y a un petit silence bientôt rompu par une voix douce :

- Ces personnes ont de l’estime pour vous et sont heureuses de votre présence…, dit-elle tout bas en montrant d’un mouvement de la tête le petit garçon qui est encore accroché aux jupes de sa mère. Ce serait très injuste de les priver de cela parce que…parce que je suis là.

Elle tente un sourire, difficilement, mais elle y parvient.

- Excusez-moi pour tout à l’heure…j’ai eu peur…c’est…c’est juste que je n’ai plus l’habitude des contacts…nombreux et amicaux. Je ferai un effort, je le promets.

Aliénor regarde son bol puis le tend à Astyanax, timide.

- En voulez-vous ? C’est très bon…on peut partager si vous le souhaitez.  

Tous les regards convergent vers eux. Celui de l’épouse, celui de Maître Corentin qui revient à l’instant avec une épaisse couverture qu’il conserve en ses mains tandis qu’elle parle, ceux des gardes, des mercenaires…Elle a promis un effort alors elle tousse un peu avant de parler.

- Merci…Merci pour votre accueil, c’est très gentil à vous…hem…

La jeune humaine est à son maximum, là. Elle rougit jusqu’aux yeux, mal à l’aise, comme si elle devait réapprendre à se comporter normalement en société.
Astyanax le Gris
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Astyanax le Gris Mar 17 Jan - 21:07
Astyanax le Gris
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La terreur quitte lentement la jeune femme, dès lors qu'il n'est plus question du bain, et c'est dans un infime murmure qu'elle dévoile la source de son inquiétude, à savoir la foule. L'Elfe hausse un sourcil un peu perplexe à ces mots : suppose-t-elle que le cuveau serait placé près du feu, à la vue de tous ?! Mais il ne relève pas, Aliénor déclarant à la suite préférer l'eau courant et admettant qu'un morceau de savon - un minuscule, comme si elle n'osait en espérer davantage - lui ferait du bien. Le Gris se borne à opiner du chef avec un tranquille sourire, alors qu'ils approchent du feu.

Lorsqu'elle lui répond, quelques instants plus tard, de ne pas hâter le départ à cause d'elle alors qu'il est estimé par les membres du convoi et que le petit Gaëtan s'est montré heureux de le revoir, le grand guerrier lui retourne une légère moue, mais là encore il préfère garder le silence, presque certain qu'elle n'est pas dupe. Ils le respectent, ça oui mais, pour la plupart, ce n'est que parce qu'ils le craignent.

Puis la jeune femme se met à s'excuser d'avoir eu peur, à la surprise manifeste du Gris, avant de promettre de faire un effort à l'avenir. Astyanax n'a pas le temps de répondre qu'elle lui propose de partager sa soupe, puis toussote, rouge jusqu'aux oreilles et visiblement très mal à l'aise, avant de remercier l'assemblée pour l'accueil. L'Elfe repousse doucement le bol de soupe vers la jeune femme en souriant :

"Merci Dame, mais mangez à votre faim, je suis rassasié pour ma part."

Le marchand est revenu avec la précieuse couverture, mais il paraît renâcler à la céder au vu du peu d'empressement qu'il met à la donner à la jeune femme, aussi  le Gris la récupère-t-il lentement des mains de son propriétaire, qu'il fixe droit dans les yeux un instant, sévère soudain. Puis, il se détourne et, retrouvant le sourire, tend la précieuse couverture, toujours soigneusement pliée, à Aliénor :

"Voici pour vous. Puisse-t-elle vous préserver longtemps du froid."

Ce n'est que lorsqu'elle l'a prise que l'Elfe refait face au marchand pour déclarer d'un ton affable :

"Merci cher Maître. Auriez-vous l'obligeance de nous fournir également des vêtements pour mon amie, des tenues de voyage de préférence ? Ainsi qu'une solide paire de bottes, un bon manteau et une dague, fine et légère si possible. Si vous pouviez ajouter à cela le nécessaire pour qu'une Dame puisse voyager dans des conditions décentes, je me ferai une joie de considérer que mes honoraires ont été intégralement acquittés."


Malgré de forts louables efforts, le marchand ne parvient pas à dissimuler totalement sa surprise à la proposition du Gris, mais il se ressaisit vivement pour répondre d'un ton ennuyé :

"Je voudrais pouvoir vous rendre ce service, Capitaine, vraiment, mais je dois penser à ma famille également. Toutes ces choses que vous me demandez, je les ai bien sûr, mais je ne pourrais nourrir mes enfants en vous les cédant à ce prix. Vous savez que je ne vends que la meilleure qualité, et..."

L'humain s'interrompt alors que le Gris se dresse de toute sa taille face à lui, hautain, dextre posée avec une feinte négligence sur le pommeau de son arme et une moue narquoise aux lèvres :

"Vous n'avez qu'un fils, et le soleil se couchera au sud bien avant qu'il ne risque la disette. Allons, donnez-moi ce que je demande et vous vous en tirerez à fort bon compte, comme tout un chacun et toute une chacune ici le sait fort bien. Mes gages paieraient trois ou quatre fois l'équipement demandé..."

"Deux fois, pas plus", intervient un autre marchand goguenard, à la plus grande frustration de Maître Corentin qui lui jette un regard noir avant de répondre au Gris en soupirant à fendre l'âme :

"Si tout et tout le monde se ligue pour me ruiner, qu'y puis-je ? Vous arrachez le pain de la bouche de mon fils, mais... soit, j'accepte ce marché."

Tandis que Maître Corentin s'éloigne en quête du matériel requis, l'Elfe s'adresse à Aliénor en désignant du menton la roulotte où est attaché le vieux cheval :

"Je vais récupérer Ly'ël et mes affaires, pendant que Messire Corentin rassemble les vôtres, ce ne sera pas long. Ensuite, que diriez-vous de nous mettre en route ?"

Les bruits incongrus ont cessé dans la sylve, remarque à cet instant le Gris, trop ancien pourtant pour se convaincre que tout péril est écarté. Il n'y a pas que la "Bête", qui rôde aux environs des bourgs durant la nuit, par ailleurs, mais pour l'Elfe rien n'est plus dangereux que les bourgs en question, tant il est vrai que la chasse aux sorcières, et à tout ce qui ne semble pas bien "humain", bien conforme à l'ordre établi, s'est intensifiée ces derniers temps. Il sait que, tôt ou tard, des fanatiques s'en prendront à lui, le jugeant coupable de n'être pas né humain, tout comme ils sont capables de condamner une femme pour sorcellerie au simple prétexte qu'elle est née rousse. Sans doute n'est-ce pas totalement un hasard si le Gris a décidé d'entreprendre maintenant un long et lointain périple, alors que la survie des longues-oreilles en terres humaines se fait de jour en jour plus incertaine.
Aliénor Parker
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Aliénor Parker Mer 18 Jan - 1:36
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Elle ne répond plus rien alors, elle se forme une petite bulle dans son coin, assise sur la souche tout près du feu, tout en gardant sa besace et sa personne soigneusement à l’abri de tous les regards. La chaleur de l’épais potage lui fait du bien, le croquant des quelques légumes présents également, et la jeune femme en savoure chaque bouchée comme si c’était la dernière. L’expérience lui a appris de profiter de chaque petite opportunité en matière de repas, aussi laisse-t-elle passer un moment avant de se rendre compte que Maître Corentin est de retour et qu’il tient en ses mains une couverture qu’il ne semble pas désireux de donner. C’est qu’elle est dégoutante…et cette couverture vaut extrêmement cher.

L’œil de la pauvresse vient de flamber d’une lueur de joie à la vue de ces mailles douces, luisant d’un beau satiné sous les flammes du grand feu auprès duquel ils se réchauffent tous. Après avoir déposé le bol au sol, elle s’empare du cadeau avec d’infinies précautions, tandis que ses doigts retrouvent le confort d’une étoffe propre et douce, chaude comme l’étreinte d’un ami que l’on n’a plus vu depuis longtemps. Il lui faut un temps certain, après avoir passé longuement ses doigts fins sur les jolis motifs, pour enfin déplier la couverture. Ce faisant, elle laisse apercevoir ce qui se cache, brièvement, sous le châle crasseux. Un assemblage de tissus disparates compose le corsage marron, tout comme la jupe, comme si cette tenue avait été cousue et composée à l’aide de tout ce que la femme qui la porte avait pu trouver. Cela ne dure qu’un instant, Aliénor vient de s’enrouler dans la couverture, il ne reste plus qu’un visage heureux, tourné vers Astyanax.

- C’est…C’est merveilleusement chaud…Merci…, dit-elle de sa voix basse, non sans enfouir son nez dans les mailles duveteuses, avec un petit rire.

Toute à sa joie de pouvoir se réchauffer ainsi, elle ne prête pas garde aux propos échangés entre le guerrier et le marchand, son attention seulement éveillée lorsque le Gris se lève, tout droit, la main posée sur son épée. Il est vraiment immense. Impressionnant. Noble…D’un seul regard, Aliénor a compris que l’ambiance vient de changer sensiblement. Les visages semblent tendus, celui de Maître Corentin, en tout cas, semble osciller entre la colère, l’ennui et le dégoût. Le petit enfant se terre sous la jupe de sa mère, une mère qui vient de fixer Aliénor d’un air étrange. Aussitôt, la jeune femme se recroqueville dans sa couverture.

La marchande, en son for intérieur, se demande pourquoi le Gris agit de cette façon, à lui offrir, à elle, cette pauvresse couverte de saleté, de jolies choses qui coutent une fortune et dont elle ne prendra pas soin puisqu’il semble évident qu’elle n’est déjà pas capable de prendre soin de sa propre personne. On peut être pauvre et propre, tout de même, non ?, se dit-elle en reniflant avec un léger dédain. Quoiqu’il en soit, puisque son époux vient d’accepter le marché, elle se lève et enjoint la demoiselle à la suivre.

- Allons, venez, lance-t-elle un peu plus sèchement qu’elle ne le voudrait.

Les paupières d’Aliénor battent très vite. Alors, c’est vrai. Elle va avoir tout ça. Des habits, des bottes et…Et une dague ? Mais…Emmitouflée dans sa couverture, elle se lève enfin. Fragile et délicate comme elle l’est, et compte tenu de l’épaisseur de cette couverture, l’on croirait presque voir un golem de tissu s’éveiller…

- C’est d’accord…juste…s’il vous plaît…

Elle pose sa main sur son avant-bras. Comment lui dire qu’elle souhaite qu’il soit toujours en son champs de vision, vu qu’elle n’a pas confiance en ces gens ? Elle ne sait pas, elle se ravise, rouge jusqu’aux yeux.

- Ne tardez pas…

Le petit sac en sa main, disparu sous les plis de la couverture, tête basse, le pas rapide, elle suit l’épouse du marchand qui est en train de compiler tout ce que le Gris a demandé. La marchande la regarde de temps en temps, comme pour évaluer sa taille.

- Faut enlever la couverture un peu, si tu veux que je prépare des choses à ta taille, gamine, grogne-t-elle un peu, excédée de voir disparaître de forts beaux articles en échange d’une solde de mercenaire.

Aliénor a un regard pour la haute silhouette du Gris, à l’autre bout du camp, puis elle pose son sac au sol et ouvre un peu la couverture, offrant un espace visible sur sa personne, brièvement. Le regard scrutateur de la marchande se ferme alors, avant de regarder franchement la jeune fille qui n’est pas à l’aise du tout. Le nez de retour dans les tissus et les cuirs, la marchande murmure :

- Tu vas lui attirer des problèmes, toi, je le sens. Avec ta petite frimousse d’ange et tes secrets cousus sur ta robe…, dit-elle en extirpant enfin des habits de cuir, du linge propre et une paire de bottes souples, propres et neuves.

La pauvresse, elle, a un regard paniqué pour la femme puis pour la silhouette de l’Elfe qui est trop loin pour entendre. Le visage d’Aliénor se ferme à son tour tandis que la marchande, elle, sourit largement.

- Y a que les gens comme toi pour coudre comme ça, siffle-t-elle, perfide. J’parie qu’on te cherche…
- Donnez, dit la jeune femme, les mains tendues vers les habits, l’air d’une biche aux abois, aculée par des chasseurs.
- Moi j’ai bien envie d’envoyer un des gardes en ville, juste pour vérifier une chose ou l’autre…

Blême, elle fouille alors en son sac et en sort une petite bourse en mauvais tissu contenant quelques pièces, qu’elle tend discrètement à la marchande. La dame glisse le petit butin en la poche de son long manteau chaud.

- C’est tout ce que j’ai…C’est tout ce que j’ai gagné ici…C’est pour vous…S’il vous plaît, ne dites rien…Je vous en supplie…

Satisfaite, elle lui tend enfin les habits avant de s’éloigner, abandonnant Aliénor près de la roulotte, les bras chargés de choses qu’elle ne regarde même pas. Elle essaye juste de reprendre contenance, avant que le Gris ne la rejoigne, après quelques instants. La jeune femme se compose un visage avenant, heureux, celui d’une jeune femme qui vient de recevoir un beau cadeau.

- Vous voyez tout ça ? C’est…énorme ! Je me changerai en chemin, si ça ne vous dérange pas…Je…hem…Vous voulez bien ?
Astyanax le Gris
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Astyanax le Gris Mar 24 Jan - 15:56
Astyanax le Gris
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Le Gris incline simplement le visage, un sourire tranquille aux lèvres, lorsque la jeune femme le remercie pour la couverture. C'est peu de choses, mais au moins ne grelottera-t-elle plus dans la froidure automnale qui s'est installée depuis quelques jours. Puis, tandis que l'épouse revêche de Maître Corentin invite Aliénor à la suivre afin de lui préparer les vêtements demandés, cette dernière, rouge jusqu'aux oreilles de gêne, pose une main timide sur l'avant-bras du guerrier et lui demande de ne pas s'attarder, à quoi il répond doucement :

"Cela ne me prendra que quelques instants, et je reste à portée de voix si besoin."

L'Elfe doute que quoi que ce soit puisse arriver à sa jeune amie dans le camp dès lors qu'il s'y trouve lui-même, signe peut-être que toutes les années passées parmi les humains ne lui ont pas encore appris à se méfier suffisamment de tout et de tout le monde...

Quoi qu'il en soit, il se dirige prestement vers la roulotte à laquelle est attachée le vieux cheval et en extirpe ses quelques affaires : un bât qu'il installe avec l'aisance d'une longue habitude sur le dos de Ly'ël, un paquetage soigneusement enroulé dans du cuir huilé, assez volumineux mais visiblement léger, qu'il attache solidement au bât précédemment mis en place. A ceci s'ajoutent quelques équipements complétant son attirail de guerrier : un pavois en forme de feuille, un arc long, décordé et soigneusement protégé des intempéries par du cuir huilé, accompagné de son carquois et, enfin, un casque à nasal avec son camail, qu'il enfile aussitôt tandis que le reste rejoint le paquetage sur le dos du cheval, positionné et attaché de manière à rester aisément accessible.

Une fois détaché, l'animal n'a besoin que d'un petit claquement de langue du Gris pour lui emboîter le pas alors qu'il rejoint la jeune femme chargée de ses nouvelles affaires. S'il n'a rien perçu du misérable chantage exercé par l'épouse de Maître Corentin, cette dernière ayant eu tout loisir de découvrir à quel point l'Elfe a l'ouïe fine durant leur voyage et ayant pris ses précautions en conséquence, il discerne néanmoins très brièvement le trouble d'Aliénor, malgré ses efforts louables pour le lui dissimuler derrière un grand sourire ravi. Il n'en manifeste rien, pourtant, jugeant le lieu aussi bien que le moment inappropriés, et se borne à répondre d'un ton trop bas pour être audible de qui que ce soit à la demande de la jeune femme :

"Vous vous changerez au moment qu'il vous plaira, Dame, naturellement. Je connais un endroit, pas très loin d'ici, où nous pourrons faire halte, si vous le souhaitez. Il y a une petite source et un excellent abri sous les rochers, mais je doute que les habitants de la région la connaissent, ils craignent trop de s'enfoncer profondément dans les bois."

Une petit haussement d'épaules souligne tout le cas que le Gris fait de pareilles craintes, même s'il a bien conscience que tous ne sont pas aussi bien armés que lui pour faire face à d'éventuels prédateurs.

"Nous pouvons nous mettre en route, si vous êtes prête", ajoute-t-il avant d'adresser un signe de la main en guise d'adieu à ses anciens compagnons de voyage. Tous n'y répondent pas, bien sûr, surtout parmi les marchands qui s'emploient de leur mieux à laisser croire qu'ils n'ont pas vu le signe de l'Elfe tandis que les gardes, eux, saluent presque tous avec respect celui qui a été leur capitaine de longues semaines durant. Il n'y a que Gaëtan, le bambin, que ce départ semble sincèrement attrister, mais sa mère l'empêche sévèrement d'aller se jeter dans les jambes du Gris et l'emporte hâtivement dans sa roulotte, comme pour le soustraire à si préjudiciable engeance. Astyanax soupire discrètement, tristement semble-t-il, à cette vue, mais il se reprend vivement et, invitant Aliénor à lui emboîter le pas d'un petit geste de la main, se dirige en direction de la route menant vers le nord.
Aliénor Parker
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Aliénor Parker Ven 27 Jan - 17:08
Aliénor Parker
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Un abri profondément enfoui dans les bois avec une source toute proche…Le soulagement s’affiche sur le joli visage poupin, alors qu’elle serre les habits contre elle, avec un sourire.  A la bonne heure. C’est précisément tout ce dont elle a besoin, en réalité : l’eau pure d’une source pour se laver, un abri du vent, du froid et des bêtes sauvages et la possibilité d’un feu sur lequel peut-être préparer de quoi manger.

- Allons-y, dit-elle de sa voix douce en initiant la marche, après avoir confié les habits neufs et le matériel à l’Elfe.

Si personne ou presque ne salue le grand Elfe, Aliénor est logée à la même enseigne en termes de convivialité. Tout au plus voit-elle l’épouse du marchand derrière le rideau à volant de la roulette principale. Un regard suspicieux et mauvais. Un souvenir, déjà, alors qu’ils franchissent les limites du campement pour emprunter la route qui mène vers le Nord.

Plus les lumières, les lueurs répandues par les feux de campements et ceux des postes de gardes du petit village s’amenuisent jusqu’à disparaître, plus la forêt, immense, se déploie devant eux, mise en valeur par une splendide lune. Plus ils s’éloignent du monde, plus il semble qu’Aliénor se détend, que sa démarche, son maintien, toute sa personne retrouve une souplesse de déplacement, d’attitude, comme si un poids immense venait de quitter ses frêles épaules.

Le nez en l’air, les yeux clos, le sourire doux étirant ses lèvres, la capuche baissée sous l’effet des mouvements de la jeune fille révèle toute l’amplitude d’une chevelure dense, abondante, aux légères ondulations naturelles. De longues mèches voltigent un peu sous le vent froid, piquant son nez et ses pommettes d’une teinte rose. Elle semble respirer plus profondément qu’elle ne l’a fait depuis bien longtemps.

-Il va neiger, bientôt…Vous sentez ce petit fond d’air piquant sous l’odeur de la terre, du feu de bois et des châtaignes ? D’ici une journée, le sol accueillera un peu de neige…J’adore cette odeur, Astyanax. Je la reconnaitrais entre mille autres.

Pourtant, un coup de vent froid lui fait rouvrir les yeux, l’obligeant à replacer son châle correctement sur ses épaules et sur sa tête.

- Je vous remercie pour tout ce que vous avez fait pour moi, ce soir…, dit-elle encore, en regardant l’Elfe, sa main agrippée sur la sangle de sa besace. C’est beaucoup. J’espère qu’un jour, si les Dieux le permettent, je pourrai moi aussi vous offrir quelque chose dont vous avez rudement besoin. Ou même tout simplement un cadeau, ajoute-t-elle avec un sourire large.

Pourtant, la conversation s’arrête un bref instant.

La forêt se dévoile en toute sa sombre splendeur.

Aliénor observe les grands arbres, un mélange étonnant de sapins aux branches lourdes d’aiguilles d’un vert soutenu, de bouleaux et de chênes ! Ces essences ne peuvent pas pousser sur le même sol conjointement et pourtant il semble que les arbres de cette forêt défient la nature. Il y fait sombre, le chemin se perd au milieu des troncs, il est impossible d’y voir clair, du moins pour une humaine.

Un hululement de chouette se fait entendre sur la droite, pas si lointain.

- Les villageois n’aiment pas beaucoup cette forêt, ils l’évitent autant que possible, parce qu’ils la trouvent dangereuse. Mais…moi je la trouve belle comme ça, avec ses grands arbres qui s’élancent vers le ciel, l’odeur de la mousse et des champignons, les bruits de lièvre, de renard et de chouettes. Et vous ? demande Aliénor en regardant en direction du bruit animal.
Aliénor, enhardie, regarde le grand Elfe debout à côté de son cheval.

- Je ne sais pas pourquoi ils ont peur de cet endroit. Probablement à cause de la créature…Dites-moi, est-ce vrai, Astyanax, ce que l’on dit sur les forêts elfiques ? Qu’il y a des arbres hauts comme des montagnes et des rivières qui chantent ? Que les maisons ne font qu’un avec la forêt et que les branches de chaque arbre scintillent comme si elles étaient parsemées de petites étoiles du ciel ?

Les grands yeux noisette ne le lâchent pas alors qu’ils sont sur le point d’entrer dans la forêt.
Message  Re: Panique à la Taverne du Chat qui miaule !  par Contenu sponsorisé
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